8197955420

dans la nuit » avait commence depuis une dizaine de minutes et, a ma grandę surprise, j’entendis Gerbauld declarer :

—    Chers auditeurs — sa voix avait un trem-blement inaccoutume —, l’oeuvre que nous venons d^łentendre me va droit au coeur. Cette musique ressemble a une plainte d’outre-tombe, c’est un long cri d’exil...

Un silence. Gerbauld reprit, la voix de plus er plus alteree :

—    Le compositeur a certainement voulu tra-duire ici 1’impression qu*il avait d’etre le dernier survivant d’un monde disparu, un fantóme parmi les fantómes.

Un silence, de nouveau. Puis la voix de Cur-tine, rauque :

—    Cette impression, vous la connaissez bien, Robert Gerbauld.

Et la voix de Gerbauld, cassante, comme s’il craignait que 1’autre en dit trop long : « Chers auditeurs, a demain. Bonsoir. »

Une pensee me cloua sur place, provoquće par les mots « outre-tombe ►>, « exil », « fantómes parmi les fantómes » que je venais d’entendre. Robert Gerbauld me rappelait quelqu*un. Je m’allongeai sur le lit et fixai le mur devant moi. Un visage m’apparut parmi les fleurs du papier peint. Un visage d’homme. Cette tete qui se dćtachait du mur avec nettetć ćtait celle de D., le personnage le plus hideux du Paris de POccupa-tion ; D. que je savais s*etre refugie a Madrid puis

126