est pręt a collaborer avec elle. II tuera Hoederer, non par passion poli-tique, mais par jalousie, parce qu’il pense que celui-ci l’a joue. Quel-ques annees plus tard, lorsque le Parti appliquera la politique preco-nisee jadis par Hoederer, Hugo deviendra un temoin genant. On tcnte de le tuer mais Olga obtient un sursis pour le »recuperer« et lui faire reconnaitre que son crime fut commis par jalousie. Hugo n’en sait rien. Le sens de ce meurtre, c’est celui qu’il lui donnera. Entre la poli-tique et la morale, Hugo choisit la morale tout en sachant que ce choix signifie sa mort.
Ainsi Sartre choisit-il la morale contrę la politique. Mais il s’ap-proche profondement de la politique, si bien qu’on pu voir dans cette piece une apologie du communisme. Si Sartre ne rejoindra jamais les rangs du Parti il ecrira peu de temps apres un essai celebre Les Com-munistes et la Paix qui marque sans doute 1’apogee des relations de Sartre avec le communisme.
Le Diable et le Bon Dieu est centre autour du meme probleme que les Mains Sales, mais le choix est celui de la politique contrę la morale. II se presente brievement a la fin de la piece: contrairement a Hugo, Goetz a trouve sa voie en renonęant a la morale pour se con-duire en politique. II accepte 1’engagement reel, les compromis et les meurtres que se choix implique.
II faudra attendre les Seąuestres d'Altona pour que le probleme de 1’engagement soit a nouveau pose par Sartre a travers le probleme de la torturę. La piece se comprend a trois niveaux differents: la barbarie hitlerienne, la torturę en Algerie, la torturę dans les prisons et les camps staliniens. Ce n’est plus seulement l’individu, c’est 1’histoire qui se trouve maintenant misę en question. Individualisme, engagement, morale, politique, tout 1’edifice se trouve ebranle. Ce qui semble de-meurer chez Sartre, c’est l’ecrivain; l’ecrivain qui s’interroge sur le sens de son projet d’ecrire, de devoiler. Etait-ce un retour en deęa de la sphere politique? Beaucoup 1’ont cru et s’en sont felicites. Ils ont eu tort. Apres la denonciation de la cruaute de la barbarie dans son adaptation des Lroyennes, Sartre s’engagera dans la lutte contrę la repression - non seulement la violence universellement condamnee par le tribunal Russel, celle de l’Amerique au Vietnam mais aussi la violence plus soumoise de notre societe democratico-polici^re. Aussi ne peut-on que souscrire au jugement finał de Goldmann:
»Faut-il encore ajouter que, malgre les cris et les protestations des conservateurs et des dćfenseurs de 1’ordre, Sartre reste la aussi - comme dans toute son ceuvre - une des grandes figures du XXe siacie, un de ceux qui ont aide le plus leurs contempo-rains a prendre conscience des valeurs fondamentales, a ne pas oublier, dans le train de la vie quotidienne et de leurs rapports avec les institutions et le pratico-inerte, la defense de ce qu il appelle »le dialectique«, la defense de la liberte?«51
« S. M. p. 264.
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