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noms sud-slaves, peut-ćtre ceux des tailleurs de pierre qui ont travaill£ k la construo tion de St. Nicolas. Bień d’autres inscriptions du recueil marąuant le mouvement d'immi-gration qui, du XVIe au XVIII0 si&cle, a introdnit dans la socićtć roumaine de plus en plus de Grecs ou des balkaniques d’origine incertaine.
L’index, les lemmes et les notes font preuve d'une órudition minutieuse. Ou'on nous permette seulement de remarquer, k propos de VII 295, que e Domna, Voica » (deux noms propres) est une lecture prćfórable k ♦ Doinna Voica *> (la princesse Voica): on ne comprend pas pourquoi le nom d'une princesse se retrouverait parini d autres qui sont absolument or-dinaires et Domna est bien attestć dans l’onomastique du XVIIe siacie. Une erreur typogra-phique de taille dópare ce beau volume: les pages 241—256 se rćpetent, tardis que iran-quent les pages 289 304.
Andrei PippiSi
ARLETTE FARGE, Dire et mai d re, Uopinion pnblique au XVIII6 sićcle, Editions <Ju Seuil, La Librairie du XXe si&clc, 1992, 316 p.
♦ Dire et mai dire o est un ouvrage qui se propose dedecelerles ćtapes de Ja consti-tution d'une opinion publique parisienne, < les fornies politiques d'acquiescement ou de mć-contentement faceaux ćvćnements et au spectacle de la monarchie *. Arlette Farge semble consciente de la difficultć de sa t&che: 1'objet a opinion publique » n'a pas le mfeme contenu lorsqu'on parle de l'6poque contemporaine, ou il est essentiellement associć aux rógimes dó-mocratiques et parlementaires, que lorsqu'on parle des sociótćs de 1’Ancien Rćgime, ou il n'appartenait pas au peuple de juger la politique d'un gouvernement qui avait le secret pour normę. D'ailleurs, un th&me qui parcourt le XVIII0 si&cle est celui de 1’ignorance du peuple: toute opinion ćmise par celui-ci est informe, impulsive, folie, incapable de discemement, tou-jours manipulće par quelques partis hostiles k la monarchie.
Arlette Farge prócise aussi, au dćbut de son ouvrage, 1’idće mailresse qui a guidć sa rćflexion: 1'opinion n'est pas mesurable, mais on peut cerner des centres de concentration des ♦ mauvais propos», des ćvćnements autours desquels se rassemblent les avis populaires, se cristallise la er tique (les guerres et les traitćs de paix, les crises de subsistance, les 6meutes, le syst&me de Law, la resistence jansćniste, les crises parlementaires). Relier les formes de mć-contenment populaire k 1’espace qui les a produit (lui-mśme mouvant et diverse) signifie proceder k e une rćflexion en termes de relation, qui ćvacue deux pićges: la croyance en un mau-vais discours figć dans son invariance (de touS temps, hommes et femmes critiquent leur gouvernement et leur conditon); la volontć de trouver en ce XVIIIe sidcle qui se termine parła Rćvolution une opinion contestataire se renforęant contlnCment pour en arriver na-turellement k la rupture de 1789 o.
Le livre est structurć en trois parties. La premi&re, «Chronique, presse et police: les ^chos de la rue mis en scóne » ćtudie la prćsence de la parole populaire, sans cesse crois-sante, dans quelques cat^gorics de sources: les jouruaux et les mćmoires du dćbut du siecle, les gazetins de police (1725 1740), les nouvelles k la main (feuilles clandestines dont les plus
rópandues sont les *Nouvelles ecclćaiastiques». Ce que ces sources ont en commun c’est une prise de conscien~° par rapport k ce que se passe et se dit dans les lieux de sociabilitć -parisiennes. Au fur et k mesure que la querelle jansćniste s'amplilie, les gens du peuple ces-sent d'6tre des ćlćments anonymes d’une foule violente et ignorante pour devenir des indivi-*dus compótents et capables d’entrer dans le dćbat politique et religieux. L’aspect le plus frap-pant est une contradiction fondamentale dont le systeme policicr mis en place par les autoritćs •est l'expression ultimę: le pouvoir continue de nierla capacitć du peuple d'avoir des opinions sur les óvćnements politiques, mais, en m£me temps, elle ne cesse d'observer ces opinions, qui -deviennent une veritable obsession.
Arlette Farge decrit le climat agitć et passionnć qui rćgnait k Paris, un climat qui u'a rien d’uniforme et d’organisó. Les nouvelles et I’ćcrit ne sont pas la cause iramódiate d’une opinion populaire qui se fabriquerait neccessairement k partir de ce qu'on entend et on lit. Elle nait k partir d'une multitude de centres d’intćret, k des niveaux tr^s diffćrents, en rapport avec les formes qu’ils ont revśtues et des lieux ou ils se sont produits: « L'opinion populaire ne rć-
■sulte pas d'un processus cumulatif des lectures des pamphletes et des placards. Elle n'est