3 Le passe et 1'ćtranger dans les livres scolaires 25
leur sagesse et leurs lois politiąues a tous les peuples du monde »1. Jusqu'ici, rien a condamner apparemment. Les mythes des origines sont des rćalitćs iortes dans toutes les historiographies, d’autant plus dans les manuels d'his-toire, considerćs les plus souvent comme des instruments de l'ćduc&tion patriotiąue. Mais la splendeur des origines tend un pićge dangereux. Elle fait naitre et justifie, a la fois, l’idee de la supćriorite des Roumains par rapport aux peuples d'une autre origine, ce qui est le cas de tous les voisins. D'autant plus dangereux que normalement, la plupart des contacts, des contrats et des roalentendus se dóroulent entre les Roumains et les peuples voisins. Et «il serait donc grand dommage que les Roumains, qui ont comme anc&tres les plus grands et les plus brillants peuples de l'Antiquitć (les Romains et /N.B.! /les Daces), toRrent jamais le mćpris d’un des peuples contemporains qui ne signifiaient rien jadis, n'ayant pas meme de nom (ethnique)» 2.
La latinite des Roumains ćtant la pierre angulaire de notre histoire toute entiere, il va de soi que la xćnophobie roumaine repose sur les nRmes arguments originaires. Tous les peuples d’origine latine sont les freres des Roumains. Et, malheureusement, tous nos freres sont placćs a grandę dis-tance. Donc «tous ceux-ci (les Italiens, les Franęais, les Portugais) sont des Romains, du meme sang que nous, parce que tous descendent, comme nous, de 1’Empire de nos ancetres Romains. Seulement les Allemands, les Russes, les Grecs, les Bulgares, les Serbes, les Hongrois et les Turcs ne sont pas les freres des Roumains»3. II n'y a pas de freres parmi les voisins. Ils nous haissent meme. « Ces Roumains (qui vivaient dans 1’Empire Ottoman et en Grece) sont appelćs par les Grecs haineusement Cufovlahi, c’est-a-dire des Roumains corrompus i>4. Mais les Roumains sont beaucoup plus nombreux que les Hongrois, les Bulgares, les Serbes et les Grecs 5 (sic!). Meme auteur, m£mes obsessions, on pourrait dire. Onze ans plus tard (en 1868) Urechia nous propose la formule suivante: « Comment sommes-nous les Roumains appellćs par les ćtrangers illettrćs? — Ils nous appellent soit Valaki ou Olachi / .../ Cufo-vlahi, mavrovlahi, mais le Roumain reste et s'appelle Roumain, jndjfćremment des noms que lui donnent ses ennemis soit a cause de leur ignorance, soit a titre de moquerie. Mais 1'insulte tombe finalement sur les ennemis »6. L’unitć nationale est desirable pour faire cesser l'embar-ras etemel causć soit par le Russe, soit par 1’Allemand, soit par le Turc 7. Quant aux Polonais et aux Hongrois, il ne faut jamais avoir confiance en eux, ce qui est a peu pres un lieu commun de n'importe quel rócit d’histoire di-dactique.
En ce qui concerne les manuels d’August Treboniu-Laurian, 1’auteur peut-śtre le plus objectif, les seuls crimes imputćs aux ćtrangers sont d'avoir attaquć sans des raisons justes ou trahi les princes roumains (Mircea le Grand et Alexandre le Bon) ou d’avoir tuć nos hćros (Michel le Brave et Tudor Vla-dimirescu). Sans oublier bien sur, car Laurian ćtait lui-m§me originaire de
M. C. Florentiu, Nofiuni de istoria ronióni, XXIII® ćd., Bucarest, 1892, p. 7.
* Ibidem, p. 22.
• V. A. Urechia, Istoria Rom&nilor. Biografii rom&nesci dupi metoda cateheiicd, Iassy, 1839, p. 11.
J# Ibidem, p. 8.
u V. A. Urechia, Istoria Romdnilor... IXe ćd., Bucarest, 1868, p. 6.
,a Ibidem, p. 8.
Ibidem, p. 74.