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qu’il lui arrive de prononcer lui-meme des harangues publiąues71. En 1405, ii charge I*un de ses conseillers, Jean de Nielles (ou de Nesles), que Michel Pintoin qualifie de "famosissimus orator* et ć'norator insignis", d’exposer devant une assemblee solenndle ses griefs au sujet du gouvememcnt du royaume Son porte-parole prononce a cette occasion un long et eloquent discours (facunde et luculenti sermone) (HI, 296-304). Le duc de Bourgogne, fort habile propagandiste, en expedie bientót des copies aux villes du royaume (IV, 310)72.
Hormis le cas de Jean sans Peur, rares sont Ies princes dont l’eloquence ne trouve grace aux yeux de Michel Pintoin73. Dans ces doges, il faut faire la part du compliment mondain et des conventions litteraires74. On est d’ailleurs frappe de retrouver, d’un portrait a 1’autre, Ies memes formules. II ne filut pas se meprendre: "La prose du Religieux est ainsi faite, de cliches plus ou moins longs, et plus ou moin[s] souvent repris"75. Les descriptions du chroniqueur sont donc, en partie, des stereotypes Leur etude n’est pourtant pas sans interet, des lors qu’elles sont reconnues comme telles. Car Michel Pintoin, pour qui Thistoire est demonstration autant que narration, n’est pas du genre a subordonner ses idees a son style. Ce qui revient constamment sous sa plume, qui reprend volontiers des expressions de Guillaume de Tyr (voir le tableau 1, page suivante), c’est que l’eloquence du prince est un talent naturel Mais cene qualite, si utile a 1’homme d’Etat, peut egalement etre developpee par 1'etude76. U faut toutefois reconnaitre qu'on sait peu de chose sur la place accordee a 1’apprentissage de la 1 Par cxemplc: III. 340. (a comme ailleurs. le chroniqueur n a aucun moi aimablc pour rćloquence de Jean sans Peur. En 1412. lorsqu'U rappone en style direct les arguments avances par les Bourguignons pour convaincre le roi. qui vieni de rccoinTcr la raison. de declarer les princes du pani annagnac ennemis de I’Elat, le Religieux prete la parole non pas au duc de Bourgogne lui-meme. mais i cenams de ses panisans (fautores) (IV. 594-600).
** En 1405 et 1406. dans un effort pour rallier 1’opinion. les agents du duc de Bourgogne multiplieni les anaques contrę Louis d Orleans. qui replique tani bien que mai a la propagandę de son rrvaL aucun moyen n'est neglige: campagnes de Iettres. tibelles difiamatoires. sermons. nimeurs semćes dans les tasernes et les mes. Voir B. Guenee. Ln meurtre. une societi. pp. 169-170.
1 Par exemple. le roi Charles III de Navarre. fils de Charles U dii le Mauvais (sur cc denucr, voir supra, p. 27 n. 50). est qualifie de mvtr utiąue eloąuens" (IV. 372); Louis n d*Anjou. cousin de Charles VI et de Louis d'Or!eans. est me!oquencie dana0 (VI. 50).
4 On ne saurait pour autant ravaJer le chroruąucur au rang des flagomeurs de cour tout n cst pas rosę dans rimage qu'il donnę des princes dc France. Voir supra. p. 12.
5 B. Guenee. "Ficuon et realite dans roeuvre du Religieux de Saint-Denis*. p. 8. Voir egalement id.. "Michel Pintoin: sa vie son oeu\Tc". p. LIX
6 L'ćloquence. associec par Christine de Pisań au "tnaintieni sagę" par lequel l’orateur harroomse le geste a la parole, "moult peut profiter a cellui qui naturdroent I'a ou l'acquiert par sęas oir" (Le Uvre du corps de po/icie, ód. citee, p. 83).