feinte modestie, qui reprend un licu commun courant chez les ecrivains medieyaiDc1, ne doń pa fairc illusion, ces precautions conventiormelles ne servant qu’a masąuer ies evidentes arabition litteraires de notre auteur. Cert es, comme beaucoup d’autre$ avant lui, le Religieux enten cuitiver la langue sobre qui sied a une chronique (stilus cronicus I, 514 et 694), et qu* distingue du style plus orne et plus amfideux qu’on trouve par exemple dans les lettre redigees par les ciercs des chancelleries (stilus rhetoricus)2. Mais ces declarations de prindp ne sont pas chez lui incompatibles avec des preoccupations esthetiques. Son souci de la form se manifeste par excmpie dans un certain nombre de passages ou, sous le coup d’evenement particulierement dramatiques, ii choisń d’interrompre son recit par un "chant de tristesse (carmen flebite: n, 716; VI, 62 et 168; lamentabile carmen: VI, 168 et 304) dans lequel insere une prosopopee3. Plus souvent, Michel Pintoin agremente sa chronique de discours d son cm: il se situe ainsi dans la lignee des nombreux historiens du Moyen Age qui, prenar Salluste, Suetone ou Tite-Live pour modeles, ont voulu perpetuer l’antique tradition d rHhistoire-discours"4.
On peut notamment ranger dans cette categorie les nombreuses harangues dans lesquelle le Religieux nous montre un chef de guerre occupe a rehausser le morał de ses troupes avar d’engager la bataille. On ne sera pas surpris d’y retrouver la plupart des topoi rhetorique utilises par les chroniqueurs medievaux en pareille occasion, tels qu’ils ont ete definis i analyses par John R. E. Bliese5. En 1382, les Flamands se revo!tent contrę Tautorite du comt Louis de Males, soutenu par le roi de France: Philippe d’ArteveIde, qui dirige la rebellion
B. Guenee. Histoire et culture histońąue dans 1'Occident mśdievał, pp. 215-217.
: En 1416. apres setre allie avec le roi d^Angleterre. rempcrcur Sigismond de Luxembourg ecrivit aux Gćnoi pour tenter de les dćtacher de la France: "U deployait dans sa lettre l eloquence la plus flcurie et la plt persuasive (stilo rethorico et persuaszvis racionibus peromasset), les appelant ses amis intimes, les anciens < fideles allies de rempire" (VI, 56-57).
5 B. Guenee. Tragedie et histoire chez le Religieux de Saint-Denis", pp. 225-243. Ces composiuons soi nounies par la lecture des Lamentations de Jeremie. de la Chroniąue de G willa unie de Tyr et sunout d Tragicum argumentom de miserabiii statu regni Francie (1357), rćdige par le iheologien italien Franęois d Montebelluna a la suitę de la defaite franęaise de Poitiers. Ce demier texte etait fort peu repandu: 1 bibliotheąue de Saiiu-Denis en possćdait un manuscrit de la fin du XIV siacie. qui a peut-eirc €i6 copić i I demande de Michel Pintoin lui-merae.
Voir B. Guenee. Histoire et culture histohąue dans FOccident medievaL p. 217: R W. Southern. "Aspects < the European Tradition of Historica! Writing. I. The Classical Tradition frora Einhard to Geoffirey < Monmouth". Transactions of the Royal Historical Society, 5* serie, vol. 20 (1970), pp. 173-1%.
"Rhetonc and Morale", pp. 201-226. L’auteur a anaiyse 360 harangues militaires (battle orations) extraiu de 92 chroniąues redigćes entre le dćbut du XT et le milieu du XDT siecie. U a rćpertorie 17 topoi prinripau: classćs selon la frequence avec laquellc ils reviennent sous la plume des chroniąueurs medievaux.