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vains des races, ils ne produiront pas de chefs-d'oeuvre. Neanmoins toutes ces propositions et appels adresses aux ćcrivains coloniaux ne resteront pas dans Ic vide; 1'apparition du mouvement litteraire appele «AIgeria-nisme» en 1920 est une reponse des Franęais d'Algerie aux besoins esthe-tiques du moment.
Robert Randau sera le pere spirituel de cette ecole et sa preface d'un recueil de poemes De Treize Poetes algeriens (1920) deviendra un vrai manifeste pour les Algerianistes qui reserveront l'exclusivite de 1'usage du vocable «colonial» pour les ouvrages repondant a leurs criteres artistiques bien stricts. Precisons aussi qu'a la meme epoque, en 1920, se constitue une Association des Ecrivains Algeriens, en 1921 on fonde le Grand Prix Litteraire de 1'Algerie et enfin en 1924, on cree la revue Afrique. Cette agitation de la vie litteraire d’Algerie est, selon Paul Siblot, un echo artistique de la ligne politique des «defenseurs de la colonie de peuple-ment»47. Remarquons que le Grand Prix Litteraire a ete deceme jusqu'en 1961, donc pendant une pćriode d'une quarantaine d’annćes trós difficiles politiquement. L'obstination avec laquelle on dćsira decemer ce prix malgre toutes sortes d'ouragans politiques est bien expliquee par Paul Siblot qui remarque une tres forte volonte de garder son identite; «un Moi algerien» (expression de Jean Pomier).
Une volonte d'inscrire une identite collective de la colonie de peuplement dans les dimensions spatiales et historiques de 1'Algerie que signalent le recours au terme “algerien” (employe alors en opposition a “arabe”) ainsi que la denomination meme de 1'Algerianisme48
est la force motrice d'une telle tenacite. L'opinion de Paul Siblot sur 1'Algerianisme nous parait la plus profonde et la plus pertinente :
Au sein de la formation discursive coloniale relative a 1'Algerie, il se caractćrise par sa tentative de conciliation entre le nationalisme de la “patrie algerienne” et Timperialisme de la “plus grandę France”. Etabli sur cette antinomie fondamentale, il s'efforce de conjuguer un “Moi Algerien” avcc un “Nous Franęais” et s'enferme dans une dialectique aberrante. S'assignant de rćaliser une “autonomie esthćtique”, il en demande la reconnaissance aux instances parisiennes et souscrit en definitive aux references culturelles qu'au depart il contestait. II legitime une conquete peręue cependant comme coupable et chante son epopee en meme temps qu'il en cherche la redemption. II postule une hierarchie raciale et fait de son effacement la
47 P. Siblot, «Pćres spirituels et mythes fondateurs de l'Algćrianisme» in Itineraires et con-tacts de cuhures, Le Roman colonial. vol. 7, L'Harmattan, 1987, p. 32.
48 Ibid., p. 33.