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possibilitćs physiques, mais aussi le pousse k rever, le transforme en quelqu'un de meilleur, de plus mur. Bień que la nouveautć et 1'ćtrangete africaine fascinent Rafael et ses collegues, il ne se lasse pas de reconnaitre les ćlćments familiers du paysage qui lui font oublier l'Afrique. Mais c'est surtout Bertrand lui-meme qui n'arrive pas a rester impassible dans sa description impassible de l'Afrique; la nostalgie du Nord 1'emporte quelquefois:
La verdure des chenes-lieges et des pins qui descendent jusqu'au fond des vallćes rafraichissait encore les yeux [...]. Quelque chose du nord y tem-perait 1'ardeur meridionale. [...] Medea apparut au milieu de ses jardins peuples d'arbres de France. [...] elle avait l'air d'une petite sous-prefecture de France dans un pays perdu.
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Cette piste franęaise est aussi presente dans la description de la mai-son de Thćrese, une jeune femme franęaise venue de Champagne k Medea pour accompagner son mari Alphonse, son cousin et colon franęais en Algerie. Bertrand intitule un des chapitres de son roman La maison de Therese, ce qui revele encore une fois la nostalgie bertrandienne de la France, car, a cótć du portrait de la femme franęaise en Afrique, on y re-trouve de fortes valorisations de cette demeure franęaise.
La maison est donc toujours Pimage de 1'intimite reposante [...]. L'impor-tance microcosmique accordće k la demeure indique dćjś la primautć donnće dans la constellation de 1'intimite aux images de 1'espace bienheureux, du centre paradisiaąue. [...] L'habitat, la demeure se relient positivement en une dialectique synthetique avec l'environnement geographique. Le chalet ap-pelle la montagne, et la terrasse du bordj rćclame le soleil tropical.254
L'espace bienheureux pour Therese correspond au gout franęais (seulement 1'aspect exterieur de sa maison est typiquement algerien : un batiment bas comme un gourbi et blanc de chaux), donc au confort ou a un certain raffinement:
Cette maison de Thćróse, malgrć son peu d'apparence, etait en effet confortable. En entrant, on trouvait une espćce de salle commune, ou l'on recevait les gens de journee et qui servait de salle a manger en temps ordinaire. [...] Elle aimait cette chambre, qui etait sa chose, qu'elle avait ordonnee et decorće elle-meme, ou s'ćtalaient aux murs et sur les meubles ses menus ouvrages de crochet et de tapisserie. Elle avait fait venir d'Alger tout un ameublement Henri II. Le lit a colonnes torses occupait le milieu
2Sł Ibid., p. 55.
154 G. Durand, Les Structures anthropologiąues de f imaginaire, Dunod, 1984, pp. 278-280.