taires de droit commun. Cependant, afin de se pronon-cer sur l’existence d’une śventuelle infraction au traitś ou au droit dśrivś, les juridictions nationales peuvent aussi avoir recours ś la procśdure du renvoi prśjudiciel en interprśtation, de faęon ś mettre en śvidence, avec 1'afde de la Cour, 1’incompatibilitś du droit interne avec les rśgles communautaires : il s’agit le plus souvent de situations dans lesquelles les requśrants invoquent des normes communautaires d’effet direct dont ils demandent au juge national d'assurer le respect (2). Mais la violation du droit communautaire par les auto-ritśs śtatiques peut śgalement śtre constatśe directe-ment par un arret de constatation de manquement rendu par la Cour de Justice sur saisine de la Com-mission ou d’un £tat membre : c’est alors en vertu de l'autoritś de 1’arret que le juge serait tenu d’en tirer les consśquences, notamment sur le terrain du droit ś rśparation au profit des victimes de cette violation.
On sait que les effets en droit interne des arrets rendus au titre de 1’article 169 du traitś CEE sont dśfinis par 1'article 171 selon lequel 1’Ćtat« est tenu de prendre les mesures que comporte l’exścution de 1’arrśt de la Cour >>. La portśe de cette disposition a śtś prścisśe par la Cour elle-meme ś 1’occasion de 1'affaire dite des oeuvres d’art italiennes dans les termes suivants : «1'effet du droit communautaire, tel qu’il avait śtś constatś avec autoritś de chose jugśe ś 1’śgard de la Rśpublique italienne impliquait pour les autoritśs nationales compśtentes prohibition de plein droit d’appli-quer une prescription nationale reconnue incompatible avec le traitś et, le cas śchśant, obligation de prendre toutes dispositions pour faciliter la rśalisation du plein effet du droit communautaire » (3).
La rśfśrence aux « diffśrentes autoritśs nationales compśtentes » vise manifestement, en dehors du Iśgis-lateur et de 1’administration, les juridictions nationales qui ont donc 1’obligation de prendre toute mesure appropriśe pour exścuter 1’arret en manquement. La Cour a prścisś que cette obligation dścoulait de l’au-toritś de 1’arret lui-mśme et supposait, conformśment aux objectifs du traitś, « d’aboutir ś 1’ślimination effec-tive des manquements et de leurs consśquences passśes ou futures »» (4).
Ces diffśrentes formulations laissent entendre qu’il incombe au juge national, dans le cadre des obligations rśsultant de 1’article 171 du traitś, de tirer les consś-quences des arrets de la Cour de Justice, non seule-ment en assurant, pour Pavenir, le plein effet du droit communautaire, mais encore en rśparant, pour le passś, les consśquences dommageables des infrac-tions śtatiques. Cette analyse a trouvś une confirma-tion dans la reconnaissance explicite d’une obligation ś la charge de r£tat d’indemniser les victimes de ce comportement fautif. En effet, dśs 1’arret Humblet du 16 dścembre 1960, la Cour a expressśment prścisś que la constatation du manquement impliquait pour l’£tat Tobligation « aussi bien de rapporter Tacte dont il s'agit que de rśparer les effets illicites qu’il a pu produire » (5).
L’idśe que la constatation par la Cour du manque-ment śtatique est susceptible d’engendrer dans le chef des particuliers le droit de rśclamer Tindemnisation du dommage subi peut śgalement śtre corroborś par Targument avancś par la Cour afin de justifier la rece-vabilitś de Taction de la Commission meme aprśs 1'ślimination du manquement. En effet, dans son arret du 7 fśvrier 1973, rendu dans 1’affaire dite des primes a 1’abattage des vaches, le juge communautaire a declare,
" qu'un arret rendu par la Cour au titre des articles 169 et 171 du traitś peut comporter un intśret matśriel en vue d'śtabiir la base d'une responsabilitś qu'un Śtat membre peut etre dans le cas d'encourir, en consś-quence de son manquement, a rśgard d'autres Śtats membres, de la Communaute ou des particuliers » (6).
De meme, dans 1’arret du 20 fśvrier 1986 rendu dans 1’affaire relative aux primes pour 1’abandon des superfi-cies plantees en vigne, la Cour rappelle que,
« meme au cas ou le manquement aurait śtś śliminś postśrieurement au dślai dśterminś par la Commission... la poursuite de 1'action consen/e un intśret et... cet intśret peut consister ś śtablir la base d'une res-ponsabilitś qu’un Śtat membre peut encourir, en consśquence de ses manquements, ś rśgard notam-ment des particuliers » (7).
Cette meme idśe se retrouve exprimśe dans des termes analogues dans un arret du 5 juin 1986 concer-nant les aides financiśres pour 1’achat de vśhicules (8).
Cependant, meme si cette jurisprudence semble impliquer un droit ś rśparation, il faut encore determi-ner dans quelle mesure un particulier peut devant la juridiction nationale invoquer 1'arret en constatation de manquement et quelles sont les consśquences que le juge national est tenu de tirer de l’arret de la Cour de Justice.
(2) On se souvient que dśs son arrót du 5 fśvier 1963 Van Gend en Loos, 26/62, Rec. 1963, 1. la Cour prścisait que - la vigilance des particuliers intśressós ś la sauvegarde de leurs droits entratne un contróle efficace qui s’ajoute ś celui que les adicles 169 et 170 confient ś la diligence do la Commission et des Etats membres
(3) CJCE 13 juillet 1972, Commission c/ltalie, 48/71, Rec. 1972. 529 et le commentaire de M.F. Gayet et D. Simon, CDE 1973, 298. Sur la portśe des arrśts en constatation du manquement, on pourra se reporter notamment ś l*ouvrage śditó par l'lnstitut Universitalre International de Luxembourg, « Les effets des dścislons de la CJCE dans les śtats membres, Heule UGA 1983.
(4) CJCE 12 juillet 1983, Commission c/Allemagne, 70/72. Rec. 1973, p. 183.
(5) CJCE 16 dścembre 1960, Humblat, 6/60, Rec. 1960,1128. Soulignś par nous.
(6) CJCE 7 fśvrier 1973. Commission c/ltalie, 39/72, Rec. 1973, 101. La persistance de 1'intśrśt & agir de la Commission mSme aprśs rśgulari-satlon du manquement avait śtś consacrśe dśs 1961 (CJCE 19 fśvrier 1961, Commission c/ltalie, 7/61, Rec. 1961. 653).
(7) CJCE 20 fśvrier 1986, Commission c/ltalie, 309/84, non encore publió. C‘ost nous qul soulignons.
(8) CJCE 5 Juin 1986, Commission c/ltalle, 103/84, non encore publió.
REVUE DU
MARCHfc COMMUN, rv> 305, Mars 1987
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