362 SAINTR-ANNE DAURAY
sainte Annę n’eAt diffArA la guArison que pour Aprou-ver lafoi et la rAsignation de ses pAlerins.
La nouvelle se rApandit immAdiatement dans toute la paroisse. Et, quelques jours aprAs, les trois pAlerins Ataient de nouveau sur la route de Sainte-Anne pour venir remercier la grandę Sainte qui les avait exaucAs.
Du reste, en rendant la claire vision des objets A la petite aveugle, Dieu ne lui avait guAri qu’un ceil, afin, semble-t-il, qu’elle gardAt toule sa vie le souvenir de son infirmitA.
Lea paralytlquea marchent. — FnANęois Talhoubt. — Vers l'an 1640, il y avait dans la ville d'Hennebont un cul-de-jatte, bien connu de tous; il se tralnait de porte en porte, et se tenait aux abords des Aglises pour inspirer la pitiA et solliciter 1’aumóne.
11 Atait jeune encore: environ vingt ans. II se nom-mait Franęois Talhouet.
Ce n'Atait pas un infirme de naissance. A l'Age de neuf ans, un jour qu’il gardait les troupeaux avec quelques autres pAtours sur la lande du CouAdic en Inzinzac, il fut pris lout A coup d’une douleur qui, partant des pieds, monta rapidement le long des jambes, et gagna toute la partie inferieure de son corps. Ce n'est qu'A grand’peine qu'il put regagner la maison. 11 garda le lit pendant trois ans, privA A tel point de l'usage de ses jambes qu'il ne pouvait remuer sur sa couche sans y Atre aidA par sa mAre.
L’impotence se compliqua bientót d‘un cedAme qui envahit le corps lout entier.
Pour comble de malheur, sa mAre qui lui donnait les soins nćcessaires, tomba malade ; et dAs lors, aban-donnć A lui-mćme, il lui fallut sortir du lit comme il put, et pourvoir tout seul A sa propre subsistance.
Leur dtat inspira de la pitiA aux voisins; et l’on fit les dAmarches nAcessaires pour que le fils et la mAre fussent adinis l’un et l’autre A l’hótel-Dieu. Le mAdecin de 1’hópital, M. de Saint-Giron, $'intdressa tout parti-culidrement au jeune infirme, dont la maladie peu connue lui ofTrait un cas de pathologie trds instructif A dtudicr. Mais, en dćpit de tous ses soins, il dut consta-ter que son malade ne gudrirait pas. II y eut mćme aggravation dans son dtat: des abcds se formdrent dans les membres. Le mai pdndtra les os jusqu’A la moelle: on fut obligd d'en extraire des esąuilles ; et le mddecin, craignant que la carie gagniH de plus en plus, se de-manda mćme s’il ne serait pas ndcessaire damputer la jambe.
En outre les muscles se contractdrent A tel point que le pauvre infirme ne pouvait plus ni se tenir debout ni s’dtendre: force lui dtait de resterconstainment accroupi sur ses membres recroquevilles. Ainsi l’dvolution de son mai aboutissait A faire de lui un cul-de-jatte incu-rable.
Alors commenęa son existence de mendiant. Et pendant six anndes tout Hennebont s’habitua A le voir tralner sa difTormitd dans les rues de la ville et aux abords des routes.
Pendant les mois d’dtd d’injnombrables pAlerins pas-saient et repassaient devant .lui ; et frdquemment il entendait parlerdes merveilleuses gudrisons qui s’opd-raient A Sainte-Anne : un aveugle avait recouvrd la vue, un muet s'dtait mis A parler, un paralytique avait retrouvd 1’usage de ses membres... Et 1’idde lui vint un jour quil gućrirait lui aussi, s’il pouvait arriver lA-bas.
Cet espoir s’dtant enracind dans son Ame.il fit voeu de se rendre comme il pourrait A la chapelle mira-culeuse.
Aller A Sainte-Anne, A cette dpoque oCł l’on ne voya-geait qu’A pied et A cheval, n’dtait pas une entreprise facile pour un homme pri vd de ses jambes: six grandes lieues A parcourir, et par des chemins de campagne! Mais inutile de lui opposer les difficultds du voyage: « J’ai fait vceu, rdpondait-il, mort ou vif, il faut que j’aille A Sainte-Anne. »