•I*'.! ©u
MARCHE
COMMUN
consommation. Saisie par la Commission d’un recours en constatation de manquement, la Cour a dśclarś que les opśrations de dśdouanement constituaient des mesures d’effet śquivalent k des restrictions quantitati-ves contraires k 1'article 30 CEE, dont on sait qu’il produit des effets directs. Au prśalable, la Cour avait ordonnś des mesures provisoires sur la base de Particie 186 CEE enjoignant aux autoritśs franęaises de ne pas dśpasser un dślai de 21 jours dans la misę sur le marchś des produits concernśs et de ne procśder qu'ś des vśrifications par sondage sans caractśre systś-matique. Se fondant sur Pordonnance du 4 mars 1982 et sur Parret du 22 mars 1983 (18), la sociśtś requś-rante introduit devant le tribunal administratif de Stras-bourg un recours en indemnitś sur la base de Pillśgalitś des mesures prises et de la faute imputable aux autoritśs douaniśres, k la lumiśre de la constatation du manquement opśrśe par Parret de la Cour de Justice.
Le Commissaire du gouvernement Raymond (19) reiette pourtant Pargument tirś de Particie 30 en consi-derant que le droit communautaire n’interdit pas des mesures de vśrification et qu’aucun dśtournement de pouvoir ne pouvait etre śtabli; il exclut par ailleurs la pertinence de Parret de la Cour de Justice, en lui dśniant toute autoritś de chose jugśe, faute d’identitś de parties et de cause. Le commissaire du gouverne-ment accorde nśanmoins une certaine portśe k la solution de la Cour, en considśrant le dślai de 21 jours comme raisonnable et en concluant sur cette base k Pillśgalitś du comportement de Padministration, et donc k Pexistence d’un droit k rśparation au profit de Pentreprise requśrante. En revanche, le tribunal administratif, tout en adoptant la meme solution au fond, omet pour sa part toute rśfśrence, y compris dans les visas de son jugement, k Parret de la Cour constatant le manquement de la Rśpublique franęaise.
Les Solutions retenues par les juridictions franęaises peuvent, par consśquent, sembler peu respectueuses de Pautoritś des dścisions de la Cour dśclarant incom-patible avec le droit communautaire le comportement de Padministration nationale. Pourtant le juge communautaire paraissait attachś k Pidśe qu‘un manquement judiciairement constatś devrait pouvoir servir de base k une action en rśparation.
On peut, toutefois, se demander si, indśpendam-ment de tout arret en constatation de manquement, Peffet direct des normes communautaires violśes par les autoritśs nationales ne devrait pas alors permettre k lui seul Pouverture d'un recours en indemnitś.
vegarder. C’est donc bien au juge interne qu'incombe la responsabilitś d’assurer « Peffet utile de Peffet direct », selon la formule expressive du Prśsident Mer-tens de Wilmars (20). Cette mission des tribunaux internes a d’ailleurs śtś soulignśe k plusieurs reprises par le juge communautaire ; par exemple, dans les arrets Rewe Zentralfinanz et Comet, la Cour indique :
« par application du principe de coopśration śnoncś ś 1’articte 5 du traitś, c'est aux juridictions nationales qu’est confiś le soin d'assurer la protection juridigue dścoulant, pour le justiciable, de 1'effet direct des dispositions du droit communautaire » (21).
Cet « Office communautaire du juge national» qui doit en principe s’exercer dans un esprit de loyautś communautaire (Gemeinschaftstreue) conformśment k Particie 5 du traitś, suppose cependant une dślicate conciliation entre le respect de Pautonomie procśdu-rale des £tats membres, d’une part, et, d’autre part, la nścessitś d’assurer de faęon uniforme Pefficacitś de Peffet direct des normes communautaires (22).
En effet, comme Pa prścisś la Cour dans la formu-lation bien connue des arrets Comet et Rewe,
« en l'absence de reglementation communautaire en la matiśre, il appartient a 1'ordre juridique interne de chaque Śtat membre de dśsigner les juridictions com-pśtentes et de rśgier les modalitós procśdurales du recours en justice destinśes ś assurer la sauvegarde des droits que les justiciab/es tirent de l'effet direct du droit communautaire ».
II est donc clair que la Cour de Justice, dans un souci — incontestablement justifiś — d’śviter une ingśrence excessive dans Porganisation juridictionnelle et procś-durale des Etats membres, fait preuve d'une remar-quable prudence dśs lors qu'il s’agit de dśterminer avec prścision le contenu rśel de la protection que les tribunaux internes doivent assurer aux particuliers. Certes, la Cour a indiquś, comme par exemple dans Parret Salgoil (23), que cette protection doit etre « di-recte et immśdiate ». De meme, dans un arret Bozetti du 9 juillet 1985, la Cour prścise que «les £tats membres portent la responsabilitś d’assurer, dans chaque cas, une protection effective » aux droits indi-viduels dśrivśs de Pordre juridique communautaire (24). De mśme, dans les affaires Rewe et Comet prścitśes, le rśgime procśdural ne doit en aucun cas aboutir k««rendre en pratique impossible Pexercice des droits que les juridictions nationales ont Pobligation de sauvegarder».
Lorsque la Cour de Justice dśclare qu’une disposi-tion communautaire produit des effets directs, elle prścise qu’une telle disposition engendre des droits individuels que les juridictions nationales doivent sau-
(18) CJCE Ord. du 4 mars 1982, Commission c/France. 42/82 R. et CJCE 22 mars 1983. Commission c/France, 42/82. Rec. 1982. 1013.
(19) Conclusions dans l'affalre Tresch-Alsacaves non publióes.
(20) J. Mertens de Wilmars, L‘efficacitó des diffórentes techniąues nationales de protection juridique contrę les \nolationsdu droit communautaire par les autoritśs nationales et les particuliers. rapport gśnóral du 9* Congrśs International de la FIDE, Londres 1980. et CDE 1981,379. sp. 381.
(21) CJCE 16 dścembre 1975, Rewe Zentralfinanz, 33/76 et Comet, 45/76, Rec. 1976 p. 1989 et 2043 et les commentaires R. Kovar. CDE 1977, p. 227 et G. Nafilyan, RTDE 1977, 96.
(22) Sur Tensemblo de cette question, voir A. Barav, La fonction communautaire du juge national, thśse Strasbourg III, 1983.
(23) CJCE 19 dścembre 1968, Salgoil, 13/68, Rec. 1968, 661. Voir śgalement les arróts du 3 avril 1968 Molkerei Zentrale. 28/67, Rec. 1968. 212 et du 4 avril 1968 Firma Gebruder Łuck, 34/667. Rec. 1968. p. 360.
(24) CJCE 9 juillet 1985 Bozetti, 179/84, non encore publiś.
REVUE DU
MARCH& COMMUN, n« 305, Mars 1987
169