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d’une longue familiaritć avec radministration ottomane. «Nourri dans le Serail, j’en connais les detours», aurait-il pu dire comme le personnage de Racine. Car, ayant ete elevć par un oncle, bien place pour 1’ introduire dans la carriere («an uncle who enjoyed a considerable office of honour and confidence in the Seraglio»), il aurait rempli les fonctions de secretaire d’un grand vizir sous le regne de Moustapha III. Or, de 1757 a 1774, huit grands vizirs se sont succedćs, de sorte que ce renseignement reste incontrólable. L’auteur se vante de possederune profonde connaissance de la vie turąue, non seulement de la capitale, mais jusqu’au fond des provinces asiatiques n. A le croire, il connaissait 1’arabe aussi bien que sa langue matemelle14.
C’est un Grec, certes, mais ayant un fort parti pris antiphanariote, ce qui n’est pas exceptionnel, car il y a bien le cas Zallony. Effectivement, il nous rappelle Zallony par la violence de ses accusations. On dirait que celles-ci sont suscitees par le meme etat d’esprit d’amour-propre blesse, lorsqu’il raille les «pride and contempt» des Phanariotes. Les sombres couleurs du tableau qu’il a peint sont les memes: «There are at Constantinople many descendants from the ancient illustrious families of Greece, but they have no other marks of the splendour of antiquity, except their names and a few useless privileges, which they enjoy in consequence of their noble birth. Almost all the genteel and opulent Greeks live at Fartari, a suburb at a smali distance of Constantinople,but which joins the chain of buildings continued on from the walls of this city. Many of them subsist on the pay they receive for offices they held under the govemors who are called Princes of Moldavia and Wallachia; others have veiy trifling hereditary estates in land. It is inconceivable what intrigues are set on foot by some of the ancient Greek families to obtain the govemments of these two provinces, and the chief employments in them.Yet, fatal experience has shewn that very few of the govemors have died a natural death. In fact, the despotism they exercise, the methods they pursue to amass riches, and the jealousy the Porte entertains that they will render themselves totally independent, ffequently fiimish plausible pretexts to cut them off>>15. Par depit ou par ressentiment personnel, 1’auteur voit sans deplaisir la brutalite parfois injuste avec laquelle les Turcs traitent les Phanariotes, qui sont pourtant des serviteurs inconditionnels de la Porte. II suspecte aussi les drogmans, dont la profession a foumi aux dynasties du Phanar les premiers moyens de leur ascension, il leur reproche de se laisser acheter par des avantages immediats et de porter avec soumission « the chains of slavery». Que dire encore du patriarchę de Constantinople qui «still exercises a kind of despotism over that people» et de son clerge («the most abominable race of men upon earth»16)? C’est a se demander si 1’auteur ne serait pas,toujours comme Zallony, catholique, ou s’il affecte seulement un anticlericalisme que ces voyages en Occident lui ont appris a imiter afin de s’assurer la sympathie de ses lecteurs, a moins qu’il n’y ait encore une autre explication.
13 Ibid., p. IV: «There is not a single city of the Turkish Empire in Asia, and very few in Europę, that I have not visited» etc.
14 Ibid., p.V, «my materials being minuted down originally in the Arabie language».
15 Ibid., p. 364.
1( Ibid., pp. 366-367.