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La conference a laąuelle je fais allusion a de-mande « au groupe socialiste de deposer dans les plus brefs delais un projet comportant un ac-croissement des pouvoirs de 1’Assemblee». Qu’est-ce que cela signifie ?
II s’agit d’un projet, c’est-a-dire d’un texte, d’un texte institutionnel ayant force de loi et, peut-etre, dans une certaine mesure, force de constitution. Ce texte, Monsieur le President, comment le voyez-vous ? Probablement comme moi, en deux parties. La premiere partie viserait k une extension des pouvoirs dans le cadre meme des traitćs. Si je ne craignais d’abuser des ins-tants de TAssemblee et si je n’avais pas fait voeu de repondre a votre appel, nous demandant d’es-sayer de terminer a une heure raisonnable et sans seance de nuit, je me ferais fort de develop-per tous les points sur lesquels les pouvoirs de TAssemblee peuvent etre considerablement — le mot est peut-etre un peu fort, disons plutót vala-blement — etendus sans qu’il soit pour autant besoin de toucher aux trois traites qui nous re-gissent. Et peut-etre, Monsieur le President, 1’Assemblee n’a-t-elle pas ete sur ce point suffi-samment exigeante et energique, et sans doute aussi le Conseil des ministres n’a-t-il pas óte suffisamment complaisant ?
C’est le premier chapitre a etudier. II en est un deuxieme. En effet, apres Tenumeration, pour valable qu’elle soit, des extensions de pouvoirs susceptibles d’etre realisees dans le cadre des traites, nous serions tres normalement prets de trouver que neanmoins ils ne sont pas entiere-ment suffisants. Nous rechercherions alors ce qu’il faudrait reviser dans les traites pour eten-dre les pouvoirs de l\Assemblee.
Pourquoi me suis-je si ardemment attache a cette partie de la recommandation de 1’interna-tionale socialiste reunie dans ces murs ? Je vais le dire.
Lorsque les traites ont ete elabores, lorsque la plupart de ceux qui sont ici les ont ratifies, ils reprśsentaient une construction d’avenir; les institutions allaient etre mises en place. La C.E.C.A. a eu le privilege d’etre installóe un peu plus tót que les autres Communautes, mais toutes ont ete mises en place sur un terrain en-core nouveau et incertain et se sont edifiees peu a peu. II faut etre un observateur assez aveugle pour ne pas apercevoir qu’au fur et a mesure que les etapes transitoires prevues par les traites se franchissent, les pouvoirs des commissions aug-mentent non seulement en etendue, mais surtout et davantage en profondeur. Or, plus ces pou-voirs s’accroissent, plus ils sont soustraits par le
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fait meme, avec notre accord — on peut le re-gretter comme moi, ou s’en rejouir, peu importe ! — k la compótence et au contróle des Parlements nationaux. Si les pouvoirs de 1’Assemblee ne s’etendent pas, cela signifie que des pouvoirs augmentent qui echappent au contróle parle-mentaire necessaire. Autrement dit, au fur et a mesure que s’accroissent les pouvoirs de l’execu-tif, l’extension des pouvoirs de 1’Assemblee est un imperatif absolu si nous voulons, dans ses interets essentiels, preserver les droits de la de-mocratie.
Or, Monsieur le President, ces interets sont essentiels, car nous parlons ici de tonnes de char-bon, de tonnes d’acier, de production, de poli-tique conjoncturelle, et de chómage structurel.
Mais derriere ces mots qui, pour les economis-tes en chambre, sont des formules pouvant se traduire en logarithmes, il y a, Monsieur le President, la vie, le travail et le pain des hommes. Et ces hommes, qui sont nos electeurs, ont le droit de savoir ce qu’on fait de leur vie, de leur travail et de leur pain. II faut que cette Assem-blee soit la leur. II faut que cette Assemblee ait le pouvoir de remplir a 1’egard de ces hommes oui lui en ont donnę mandat le contróle indis-
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pensable a la sauvegarde du pain quotidien.
Tel est le sens d’un accroissement des pouvoirs de 1’Assemblee. Vous comprendrez des lors pour-quoi une conference socialiste ait mis au premier plan Taccent sur une pareille revendication.
Je le disais tout a l’heure, Monsieur le President, est-il raisonnable d’imaginer un instant qu’un texte qui va prendre, par sa naturę meme, un caractere institutionnel puisse etre arrete d’ici a lundi, jour ou 1’Assemblee devrait proceder au vote ? Imposer une telle condition, c’est imposer la condition impossible. II n’est pas question un instant d’y songer.
II fallait pourtant combler un vide. Tout d’abord, je m’adresse a 1’Assemblee pour lui de-mander de ne pas etre indifferente a ce voeu. Je demande que le plus rapidement possible un groupe de travail — s’il le faut, le groupe socialiste lui-meme en prendra l’initiative — soit mis sur pied en vue d’etablir le projet reclame par la conference socialiste. Mais en attendant, il faut, je le repete, combler le vide, montrer qu’il ne s’agit pas la seulement d’un voeu pieux, mais qu’il s’agit d’une intention caracterisee, pro-fonde, solide, sincere.
Je crois savoir que M. Metzger medite un texte dont je ne connais pas encore les termes exacts, mais dont la substance, en tous cas, satisfait plei-
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