394 8AINTR-ANNB DAURAY
Sans doute la scAne n’est pas toujours aussi imprcs-sionnante. Que)quefois le naufragć est seul ou du moins ćloignć des autres. Mais sa prióre, quoique intć-rieure, n’est ni moins confiante ni moins vivc. De leur aveu h tous, c’est la pensie de sainte Annę qui les sou-tient et les fait esperer contrę toute espćrance. Un naufrage de 1890 dćclare : « Je no songeais qu'A deux ■choses: k sainte Annę en qui j avais la plus ferme con-fiance, et k mes deux compagnons que je voulais sau-ver(l). » Un autre marin, de Quiberon, racontant son naufrage en 1874, dit k son tour: a Je ne cessais d’invo-quer sainte Annę (2). »
• •
La pridre des naufragćs est, la plupart du temps, acconipagnće d’une offrande.
L’objet de cette offrande varie. Quand c’est une somme dargent, on 1’enferme dans un morceau de toile que l'on 1’attache au pied du mAt, si le balance-ment du navire ne permet pas de le porter dans la hune (3). .
Un nutrc naufrage (11, 143) dii « qu'ils se mirent tretous en priAre. teł qu'onl accoutume de faire les moribonds. »
(t) Annalet de Sainte-Annę d'Aura>j : 1891, p. 15.— Ce pćcheur s’ap-pelait Pierre Le Guennec.de Plouhinec.
(2) Lei Merteillet de Sainte-Anne d'Auray (par M?f de Sl.GUR), p. 116. Le capitaine ćtail V. Lautram. — Voir aussi la dćposition du capi-taine Crequer (de Locmariaquer), 1891. (Annalet de Sainte-Anne, 1891, p. 173.
(3| « D aprćs les recits que j'ai recueillis dans ma propre familie, c’est le mousse que l'on faisait monter pour attacher loffrandc A la partie la plus ćlevće du mAt. » (Kug. Le Garkec).
») Pourquoi confier cette piission specialement au mousse? Esice parce qu'il est A bord 1’homme des corvees? Ou ne seralt-ce pas parce que 1’offrandc doit ćłre faite par la main la plus innocente ?
A 1’appui de cette dernićre interprćtation on peut citer commc cxcmples certains Apisodes trAs caroctAristiques des « Miracles de saint Vincenl Ferrier » (Edition Fages, p. 111 et 115). • Pulis cum uno juoene, quem ad hunttm induxit ut innocentiorem, se vovit magistra Vincentio. »
b) Pourquoi placer 1'ofTraude au haut du mAt ? Etait-ce pour 1'offrir de plus pr£s au ciel ? Ou plutót ne seralt-ce pas parce que,
LES MIRACL8S 395
♦ *
Dieu donne-t-il la vie sauve & tous ceux qui l'in-voquent au pćril cle la mer?... Sainte Annę intervient-elle toujours en leur faveur de la manierę qu’ils de-sirent ?...
Jamais prifcre sortie d'une Ame confiante ne demeure sans rćsultat. Toutefois le cielse rćserve de choisir lui-mćme la faęon dont il sauvegardera les intćrćts de ceux qui s'adressent & lui; et si parfois en les laissant mourir il semble ne pas les exaucer, le bienfait qu’il accordeA leur Ame vaut, en rćalitć, infiniment mieux pour eux quc le miracle de la vie sauve qui leur est refusde.
Mais toutes les fois que sainte Annę juge.A propos d’intervenir, elle le fait de telle sorte que son inter-vention est indiscutable.
La caractćristique la plus frappante deś miracles, caractćristique populairc et scientifique h la fois, c’est rinstantanćitć: or elle se manifeste ici de la faęon la plus irrdcusable. Qu’il sagisse d’apaiser les flots, dedis-siper la brume, de faire tomber le vent, ou d dcarter les vaisseaux ennemis. ., la dólivrance se produit avcc — cette partie de la mAture ayant plus de chance que le reste du novire de ne pas ćtre submcrgAc en cas dc naufrage, — 1‘offrande, si elle vicnl A itre recucillie, fera connaitre les intentions dc ccux qui ont disparu..,
Les archives du PAlerinage raconlent un naufrage (19 dćcembrc |(M7) dont les dćtails sont tr*s caracteristiqucs & ce sujet. Un navirc dc Morlaix, ayant ćtA surpris par la tempćte dans les cou-reaux de Belle-llc, les mnrins « furcnt contraints de couper leur grand mAt et de le jctcr dans In mer, avec un hauban auqucl ils avaient attachć des ofTrandes qu’ils avaient dcstinćcs pour Madame sainte Annę. . Incontinent aprAs ils furcnt lancAs sur une hausse de sable hors du pAril... Ayant sAjournA quatre ou dnq jours A la dite hausse de sable, ils se rendirent A Palais. ou ils furcnt cncorc 1'cspacc de trois semaines. au bout desquclles le copitainc ćtait prAs d*acheter un mAt et un hauban en la place de ceux qu’il avait jetes A la mer, quand, la nuit du jour qu'il devait faire cct achat. le mAt qu’il avail perdu se retrouva proche sa barque avec les mAmcs offrandes qu’on avait mises dans le hauban... *(11,31).