536 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PfiNAL COMPARĆ ciete materialistę et societe spiritualiste/societe individualiste et societe collectiviste, qui fut a 1’origine de dramatiques confrontations.
Est-il utopique ou malseant d’esperer que cet antagonisme se mue un jour en sym-biose au plus grand benefice de la societe des hommes ? L^perience de la decentra-lisation judiciaire en Nouvelle-Caledonie en ouvre la voie et en eveille le formidable espoir15.
Codę des tribus du 9 fevrier 1854
Article 1 — Tout sujct de la tribu qui se sera rendu coupable d’assassinat et d’anthropophagie, sera remis a la disposition du Commandant de la Station, qui dćcidera de son chatiment.
Article 2 — Tout sujet de la tribu qui se sera rendu coupable du crime d^thropophagie, sera remis a la disposition du Commandant de la Station, qui decidera de son chatiment.
Article 3 — Tout sujet de la tribu coupable d’assa$sinat par vengeance, sera puni d’empri$onnement a vie, avec entraves et application aux travaux d>utilite publique.
Article 4 — Tout sujet de la tribu coupable de viol, sera puni d’un emprisonnement a vie, avec en-traves et application aux travaux d’utilite publique.
Article 5 — Tout sujet de la tribu coupable du crime d*incendie, sera puni de la meme peine qu’a Particie precedent.
Article 6 — Tout sujet de la tribu coupable d’avoir hate la mort d’un maladc, sera puni de la meme peine.
Article 7 — Tout sujet de la tribu coupable d*un vol a Pinterieur d’une habitation, sera puni d’un emprisonnement de trois mois, avec entraves et application aux travaux d’utilite publique.
Article 8 — Tout sujet de la tribu coupable d’un vol sur une plantation, sera puni d*un emprisonnement de huit jours avec application aux travaux d'utilite publique.
Article 9 — Vol de nourriturc : comme ci-dcssus article 8.
Article 10 — Tout sujet de la tribu coupable d’adultere ou d’attentat aux moeurs, sera puni d’un emprisonnement de huit jours a deux mois, avcc entrave et application aux travaux d’utilite publiquc.
Article 11 — Tout sujet de la tribu coupable de coups ct blessures, sera puni d*un emprisonnement de quatre jours k deux mois, selon la gravite des blessures, avec ou sans entraves et avec application aux travaux dłutilit6 publique.
Article 12 — Tout sujet coupable de dispute ou d’insulte sera puni d’un emprisonnement de trois a six jours.
Article 13 — Toute danse noctume est interdite. Les delinąuants seront punis de un a trois jours. Article 14 — Toute desobeissance au chef de la tribu ou aux personnes deleguees par lui pour veil-ler a la surete publique, sera punie, selon la gravite de la desobeissance d’un emprisonnement de trois jours a un mois, avec application aux travaux d*utilite publique.
15. L*une des 35 mesures decidćes par le gouvemement a titre d^ccompagnement des Accords de Matignon visait a dćcentraliser Pinstitution judiciaire en Nouvelle-Caledonie. Cest aujourd’hui chose faite puisqu’une loi du 13 juin 1989 — completee par decret du 8 septembre — a officiellement cree deux sections detachees du tribunal de Noumea, Punę installće a Kone (Provincc Nord), Pautre a We-Lifou (Province Loyautes). Et que les formations collegiales y siegent depuis le lcr janvier 1990 avec le renfort de deux assesseurs non professionnels dans le domainc du droit commun (essentielle-ment penal).
A ce jour, le seul domaine ou la justice coutumiere a reęu dładoubement de 1’Etat se situe sur le terrain strictement civil limite aux litiges portant sur Tapplication du statut particulier, et donc oppo-sant par definition des citoyens relcvant eux-memes de ce statut (c’est-a-dire les Melanesiens nłayant pas opte pour le statut de droit commun). Cette reconnaissance s*est traduite par la creation d*une « juridiction coutumiere » presidee par un magistrat professionnel assiste de deux assesseurs « coutumiers », dont Torigine remonte a une ordonnancc Pisani du 15 octobre 1982 que la loi du 13 juin 1989 słest contentee de rćactivcr.
Ne serait-il pas temps d’elaborer une « charte penale » permettant a la justice coutumiere de s*exercer ouvertement en matiere repressive, sous contróle strict du parquet ? II semble que s’ebauche au sein meme du monde melanesien une prise de conscience en ce sens ainsi qu’en te-moignent de recentes discussions menees au niveau de ccrtaines grandes chefferies, notamment dans les Ileś Loyaute...
Uetablissement de cette charte ne saurait alors, pour peu que ce soit, conduire a un demembre-ment de Paction publique, mais pourrait au moins contribucr a clarifier les rapports existant entre la societe coutumićre et le reste de la societe caledonienne, rapports dont le flou actuel est porteur d*ambiguitćs et germe de dangereuses querelles. Nous convenons que Pelaboration d*une telle charte ne serait, elle-meme, sans doute pas exempte de ri$ques. Entre deux maux...
Rev. sciencecrim. (3), juill.-sept. 1990