Interpretation
Par un examen plus approfoncli de la radiographie (PI. XXXII, 2) on se rendit compte que, tres probablement, Ies zones concentriąues devaient indicjuer Iexistence dun arc-en-ciel multicolore, teł qu on en retrouve dans certains tableaux et miniatures (cf. Ies Heures de Turin : Dieu apparaissant a Guillaume IV de Bayiere : folio 59, v°) des Primitifs flamands du XV0 siecle, voire meme a 1’Agneau Mystique (aureole multicolore autour de la Colombe, a la Vierge de I Annonciation). Quelques sondages confirmerent cette hypothese : sous Ies nuages, se trouvait un arc-en-ciel de teinte yiolacee (blanc de plomb et Iapis-Iazuli) rosee (idem + garance) ou jaunatre (a base de plomb: oxyde de plomb et d etain ?) (PI. XXXII, 5). Place immediatement sur Ies trois coucbes originales du ciel, cet arc-en- ciel se trouve au m&mc niveau structural que Ie fond bleu, dont ii possede toutes Ies caracteristiques et notamment une composition identique pour sa frange yiolacee. II doit donc etre considere comme original.
Une seconde question se pose : quand fut ajoutee la masse des nuages ? Notons que celle-ci est presente a la copie de Coxie et qu’elle est donc anterieure a 1557. A notre sens, et ce, pour autant quc la restauration par van Scorel et Blondeel (1550) ait ete Ie seul traitement important entre 1432 et 1557, cette addition peut etre considerec comme I oeuyre de ces deux peintres.
Cette interyention etait-elle donc deyenue soubaitable ou indispensable ? A de tres nombreux echantillons du po!yptyque (egalement a barc-en-ciel) on obseryc que la coucbe picturale originale presentait des traces evidentes d usure, et qu elle avait ete surpeinte avec des materiaux possedant des proprietes similaires a celles des materiaux eyckiens (donc anciens) mais en meme temps suffisamment differents pour qu on puisse Ies classer comme post-eyckiens. On nc peut s’empecher de songer ici au texte de van Vaernewijck (cf. notę p. 35) et d admettre, avec Iui, la possibilite, yoire la probabilite, d’un nettoyage malbeureux avant 1550. Des recettes anciennes recommandaient frequemment des substances comme Ie savon et meme Ies alcalis, qui ont pu attaquer des coucbes picturales non encore arriyees a une stabilite complete.
On comprendrait mieux ainsi que ł on ait demande I interyention, non pas d un artiste Iocal qucIconque, mais de deux maitres de tres grand renom a cette epoquc. Jusqu a quel point van Scorel et Blondeel auraient-ils restaure Ie po!yptyque ? II est difficile de Ie dire avec precision. Cependant, si ł on en juge par la lrequence des ..usures constatees et si 1 on s’en refere, surtout pour Ie panneau central, h I avis de ce grand connaisseur que fut S. Boisseree (cf. p. 47) ł on peut admettre, sans grand danger de se tromper, que van Scorel et Blondeel se sont vus dans I obligation de ,,nettoyer en de nombreux endroits’1 (in veel plaetsen gbecust kcbben) Ie poIyptyque. Sont-il alles plus Ioin et y ont-ils ajoute des elements de Ieur cru ? Nous croyons avoir montre que la tour d’Utrecht (p. 112) est une addition post-eyckienne et qu elle pourrait etre de la main de van Scorel (pcintre et chanoine d Utrecht) et de Blondeel. Nous pouyons adopter ce mćme point de vue pour d autres cas, notamment pour Ies nuages. N oublions d ailleurs pas toutes Ies oppositions de yision entre la premiere moitie du XVe siecle et r,,italianisme” du milieu du XVI0 siecle (que d or chez Blondeel 1).
En 1951, Ies nuages ont ete enleves (PI. XXXII et XXXIIbls), Iaissant apparaitre un arc-en-ciel qui presente toutes Ies gradations entre Ie yiolet, Ie jaunc et Ie bleu. La composition generale y a gagne en profondeur et en clarte.
En meme temps que Ies nuages, plusieurs restaurations a Toutremer artificiel furent enleyees. II s agissait la de surpeints Iocaux, presque certainement dus aux deg^ts de 1822.
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