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Comptes rendus
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« Face cL une action agressive de quelques milliers d'opposants, de vćritables casseurs”, qui eut lieu l’apres-midi et le soir du 13 juin, une action qui fut, en gćnćral, ignorće dans les commentaires des mass-media en Occident, mais qui, 5 ce moment-14, effraya tout le pays, la police et meme I'armće e/itant de s'impliquer, le prćsident nouvellement ćlu fit appel 5 la nation. Donnant suitę k cet appel, les mineurs arrivćrent — au moment ou 1’armće ćtait enfin intervenue aprćs une dizaine d'heures de passivitć” et avait rćtabli 1’ordre — et s'engagćrent dans une dure rćpression. Ayant „les maius lićes”, puisque, c'etait suitę k son appel qu'ils ćtaient venus (sans oublier des manipulations ćvidentes de la masse des mineurs par des forces communistes nostalgiques), le prćsident fut pratiquement forcć, afin de les determiner k quitter la ville, de les remcrcier. Ce geste a ete critique, surtout par 1'opposi-tion, bien qu’au moment ou 1’appel avait ćte lance, la situation extrement grave des insti-tutions de 1’Etat eftt justifić cette initiative >.
II est ć/ident que j'ai considere * justifić > 1'appel * a la naiion > et qu'en mćme temps j'ai parle de la «dure rćpression > exercee par les mineurs. II y a un peu de distance face au « parfaitement justifice » qu'on m'attribue!
M. Pippidi m’accuse encore que dans un article publić dans la « Revue d'histoire diplo-matique » en 1990 j'allais «jusqu'a attribuer l'activitć des opposants... aux menees des der-niers partisans du rćginie communiste »>. Or, voila mon texte de 1990: «I1 est certain en tout cas qu’un retour au communisme n'est pas possible et que celui-ci ne peut plus ressusciter sur le sol roumain. Les graves incidents qui se sont dćroulćs k Bucarest les 13— 15 juin ont traduit, semble-t-il, un dernier sursaut des forces hostiles k 1'installation de 1'Etat de droit tel qu'il avait ćte librement elu ». J'ajoutais qu'aune commission d'enqućte parlamentaire analyse les ćvćnements des 13—15 juin et 1’opinion publique attend ses rćsultats avec impa-tience o.
Je laisse au lecteur k tirer les conclusions concernant 1'interpretation de mon texte par M. Andrei Pippidi.
Quant au gouvernement roumain actuel, je le considćre encore composć en partie de technocrates, quoique, depuis la fin de 1992 quand j'ai ćcrit 1'article, sa composition a change et sa « politisation > s'est accentuće. Mais je ne vois pas la liaison entre l'existence d'un gouvernement de technocrates et la corruption et les scandales. Malheureusement, ces « maux» de la socićtć— surtout en transition! — peuvent ćtre et seront constates aussi dore-navant. A ce sujet, je ne me fais pas d'illusion et cela mćme si dans un avenir plus proche ou plus lointain les ćquipes ministerielles changeraient. II s'agit de maux de la socićtć et j’en doute que nous aurons la satisfaction, dans un avenir proche, k voir leur finl
Enfin, je voudrais assurer M. Andrei Pippidi, qne je crois, dans «1'image rassurante » qu’il m'accuse de propager; je crois aussi dans la capacitć de notre nation ci se redresser et ćgalement dans l'avenir de mon pays. II est evidemment parfaitement librę de n'y pas croire!
Monsieur le Directeur, nous avons tous subi — surtout nous «les plus anciens >! — , pendant la plus grandę partie de notre vie, le regime des dictatures (quant k moi, je les ai subi un demi-sićcle!). En hommes de science nous avons vecu, surtout pendant la dernićre dćcennie avant dćcembre 1989, sous le rćgime du contróle et des immixtions et aussi sous celui des «dogmes o imposees. Ne croyez-vous pas que c'est maintenant le moment que nous soyons libres et libiris et que d'autres dogmes et clichćs ne nous soient pas imposćs? Que c'est ćgalement le moment qu’on se respecte rćciproquement les positions et les opinions, sans qu'on s’accuse les uns les autres de « mauvaise foi » et de « conformisme ordinaire »? Ne croyez-vous aussi pas qne le temps des «Inquisitions» doit etre enterrć k tout jamais?
Dan Berindei
Nole de la Redaction.
M. Andrei Pippidi a pris connaissance du contenu de la lcttre de M. Dan Berindei et nous a informe qu’il ne prolongera pas une polemique dont il estime que le lecteur a pu suffisamment juger les arguments et l'enjeu.