des Hollandais, catholiąues tout aussi bien que protestants, du theatre. La balance penchait bien sans le poids de son jugement. Les calvinistes surtout possedaient un tel repertoire darguments contrę les plaisirs mau-dits de la scene qu’ils n’avaient pas besoin d’aller en emprunter encore a un eveque catholique.
Lorsqu,en 1711 on avait conęu a Utrecht le projet d’egayer la foire annuelle par des representations de theatre — plaisir inoui que les habitants de la ville n'avaient plus goute depuis 1649 —, les pasteurs se dresserent immediatement sur leurs ergots471). Du haut de la chaire ils fulminaient contrę ces projets impies. Les fideles se faisaient 1’echo de leurs impre-cations, et bientót ces fameuses representations furent le theme familier de toutes les conversations. Pierre Burman, professeur d’histoire, d’elo-quence et de politique a Tuniversite d’Utrecht, en prit pretexte pour y consacrer sa leęon d ouverture 472). Le theatre n’est pas mauvais en lui. On n’a qu’a regarder l’oeuvre immortelle et bonne creee par 1'inoubliable Moliere. Les spectacles sont d’une grandę utilite sociale. Aussi de tout temps les autorites ont-elles offert ces plaisirs innocents au peuple pour remedier a Toisivete, et prevenir ainsi les perturbations du repos public. Telle etait en gros traits Targumentation de Burman.
II eut a subir la colere de six ministres protestants, qui s’engagerent dans une controverse infiniment longue avec „ce censeur libertin indigne du nom de chretien”. De part et d'autre on s9injuriait copieusement, mais — et voila ce qui nous interesse le plus — des deux cótes on voyait moyen de donner en passant quelques coups de griffe au catholicisme. Les acteurs d’autrefois, avait demande Burman, qui avaient satirise la volupte et les friponneries des moines et des papes, ainsi que les horreurs et les depra-vations de leur religion, avaient-ils fait rien de mauvais? C9etait sans doute un coup bien porte et un argument qui devait prendre chez les protestants. Mais le savant defenseur du theatre decocha un trait encore plus envenime.
On lui avait objecte qu,il nuisait a la religion en osant attaquer ouver-tement des ministres. Pour toute defense il s’ecria qu'on marchait a grands pas vers la papaute haie, si, meme en des choseś indif ferentes, il fallait se soumettre a laveuglette aux decisions, non pas de tout le corps de TEglise, mais de quelques pasteurs, s’arrogeant une autorite inaccoutumee.
Ses adversaires ne se laissaient pas deconcerter pour si peu, et lui ren-daient la pareille en tapant, eux-aussi, de leur mieux sur les catholiques. Les comedies, disaient-ils, conviennent aux cultes paiens. Et le papisme, qui presente tant de rapports avec le paganisme, et qui est modele seule-ment sur les regles de la politique, auxquelles il subordonne tous ses senti-
471) J. N. v. Hall, dans Het Tooneel, le jgn. (1877), p. 48 są.
472) Petri Burntanni oratio pro Comoedia, 1711.
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