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Rapport dc la Commission a 1’Asscmblee generale
5) Selon un important autcur franęais, la solution retenue par la juridiction infćricure, c’est-a-dire le Tribunal civil de la Seine, etait justifiće. Pour cet auteur,
La rćciprocitć (qu’il s’agisse dc celle dc Particie 11 [du Codę civil] ou dc celle resultant d’unc elause dc reciprocite) est unc rćciprocitć concrćtc. Au contrairc, la elause dc la nation la plus favorisćc, lorsqu’cllc est bilaterale, instituc une sortc dc rćciprocitć abstraitc : les Etats s’engagent mutucllcinent a assurer Ic traitement qu’ils accordent a des Etats tiers plus favorisćs. La elause apparait bien ici comme Pun de ces traitćs, visćs a 1’article 11 [du Codę cwilj, qui dispense de la rćciprocitć trait pour trait ‘n.
6) Une decision grecque, rapportće comme suit, apportc des motifs convaincants a 1’appui de la solution proposće k 1’article 13.
La Convention d’ćtablissement et de protection juri-diquc concluc entre la Grece et la Suisse le ler decembrc 1927 dispose, dans son article 9, quc
En aucun cas les ressortissants dc chacunc des partics contrac-lantcs ne seront soumis, sur le territoire dc 1’autrc partie, k des charges ou a des droits, impóts, taxes ou contributions, de quelquc naturę quc ce soit, autres ou plus ćlevćs quc ccux qui sont ou pour-ront etre imposćs aux ressortissants de la nation la plus favorisee.
L’article 11, qui concernc les societes commerciales, industrielles, agricoles ou financićres valablement consti-tuees d’apres la Ićgislation de Punę des parties contrac-tantes et ayant leur sićge sur son territoire, dispose quc ces societćs «jouiront, k tous ćgards, du traitement accordć aux socićtćs similaires de la nation la plus favorisee » et que
cllcs nc seront astreintes, notamment, & aucunc contribution ou rcdevance fiscalc, de quclquc dćnomination ou de quclquc cspćce que ce soit, autres ou plus ćlevćes que celles qui sont ou seront peręucs dc socićtćs dc la nation la plus favorisćc.
La requćrante, en Pespece, ćtait une societć suisse dont le sićge social se trouvait k Genćvc et qui pretendait etre exemptće de Pimpot sur le revenu en invoquant k Pappui la Convcntion anglo-grccque dc 1936 rclativc k Pcxcmp-tion reciproquc de Pimpót sur le revcnu conccrnant certains bćnćficcs ou gains dc personnes moralcs. Aux termes de cette convention, les bentfices ou les gains obtenus en Grćcc soit par une personne residant en Grande-Bretagne, soit par unc personne morale admi-nistrće et dirigćc en Grande-Bretagne, ćchappaient a Pimpot sur le revenu sous reserve dc rćciprocitć.
II a ćtć juge que la requćrante avait droit a Pexemption fiscalc. Le Conseil d’Etat a statuć comme suit :
Attcndu quc, dans les traitćs economiques notamment, la elause de la nation la plus favorisćc a pour but de prćvcnir le pćril quc la situation des sujets des Etats contractants nc devicnnc ćvcntuelle-ment desavantageuse en comparaison dc celle des sujets d'autres Etats, sur Ic domainc dc la concurrcncc ćconomiquc intcrnationale. Gr&ce au mćcanismc dc ccttc elause, chacun des dcux Etats contractants d’une part accordc a Pautre les avantagcs qu’il a dćja accordćs <» un Etat tiers, ct d*autre part assume Pobligation de lui accorder tout avantage qu’il accorderait k un Etat tiers a Pavenir, pendant la duree du traite. L’acquisition dc cc dernier avantagc au profit du bćnćficiairc dc la elause a licu — pour autant que Ic contrairc n’a pas ćtć stipulć dans 1’accord — ipso jurę, sans Pobligation pour lui dc procurer unc contrcpartie addiiionnclle, meme si les concessions faites au profit dc PEtat tiers ne sont pas unilatćralcs, mais sont soumises a la condition dc rćciprocitć. Intcrprćtće dans cct esprit, la elause assure la rćalisation du but dans leąuel clle a ćtć instituće, savoir Passimilalion dans chacun des dcux Etats, pour les qucstions quc la elause concernc. des sujets ou des entreprises dc Pautre Etat aux sujets ou aux entreprises d’un tiers pays favorisć.
Attendu qu’cn Poccurrcncc la elause de la nation la plus favorisće contcnuc dans la Convcntion grcco-hclvćtique a ete stipulće purc ct simple, sans reslrictions ni conditions onćreuses, et comme telle ellc donnę aux entreprises suisses travaillant cn Grćcc Ic droit k Pcxemption fiscalc aux conditions auxqucllcs la mfimc cxcmption est accordee aux entreprises britanniques, mćme si les entreprises grccqucs nc jouissent pas cn Suisse dc la favcur dont elles jouissent cn Grandc-Brctagnc. En coasequence, Parrćt attaque [...] doit, pour cela, etre cassć [... ] M*.
7) La Commission est convaincue que la regle qui est enoncće k Particie 13 est conforme k la conception modernę du fonctionnement de la elause de la nation la plus favorisće. Si la elause est inconditionncllc, PEtat bćnćficiaire et les personnes ou les biens se trouvant dans un rapport determinć avec cct Etat acquićrent automa-tiqucmcnt les avantages accordćs par PEtat concćdant k des Etats tiers ou a des personnes ou des biens se trouvant dans un rapport dćtcrmine avec eux, selon la maniere et dans les conditions dćcrites aux articles 11 et 12. Si la elause de la nation la plus favorisće en question est expressćment inconditionnelle ou si elle est muette sur les conditions, PEtat bćnćficiaire nc saurait, de Pavis de la Commission, se voir refuser lc traitement accorde par PEtat concćdant k un Etat tiers motif pris de cc que ce traitement est accordć sous condition de reciprocitć matćrielle ou en ćchange de toute autre contrcpartie. Cela est ćvident si Pon considere quc la elause conditionnelle dc type amćricain a completement disparu de la pratique. Cela parait ćvident aussi dans les domaines autres que celui du commerce. Dans ces do-maines, les partics a un accord contenant une elause de la nation la plus favorisee peuvent librement dćcider de s’accorder reciproqucmcnt le traitement dc la nation la plus favorisće sous condition de reciprocite matćrielle. En pareil cas, la question ne se pose pas. Toutefois, a defaut d’une telle decision, il resulte de la naturę d’unc elause inconditionnelle dc la nation la plus favorisće que PEtat concćdant ne saurait refuser k PEtat bćnćficiaire le traitement qu’il accorde k un Etat tiers, motif pris de ce que ce dernier traitement n’est pas accorde sans contre-partic, mais qu’il Pest sous condition de reciprocitć ou cn ćchangc de toute autre contrcpartie.
8) Compte tenu de ce qui prćcede, la Commission a juge opportun d’adopter une regle affirmant la non-pertinencc du fa.it que le traitement accorde a un Etat tiers Pest avec ou sans contrepartic. Cette regle est conforme aux buts essentiels de la elause de la nation la plus favorisće et ćgalement k la presomption en faveur du caractcrc inconditionncl de cette elause.
881 Lcvcl, loc. cit., p. 338, par. 36.
801 AfTaire d’exemption fiscale en Grece, Grćce : Conseil d’Etat, 1954 (Annuaire... 1973, vol. n, p. 139 et 140, doc. A/CN 4/269, par. 58 ct 59.