Rapport dc la Commission k 1’Asscmblec generale 107
Commission cntcndait prcndrc par li position sur des problćmes qui, comme il a ćtć indiąuć *64, ne relćvcnt pas de la matićre objet du prćscnt projet de codification.
Article 15. — Attrihution a VEtat du fait d’un mouvement
insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement d'un
Etat ou qui aboutit a la creation d’un nouvel Etat
1. Le fait d*un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvemement d’un Ktat est considćre comme un fait de cet Etat. Toutefois, une telle attribution est sans prejudicc de 1'attribution k cet Etat d’un comportement qui aurait auparavant ćtć considćre comme un fait de 1’Etat en vertu des articles 5 a 10.
2. Le fait d*un mouvement insurrectionnel dont 1’action aboutit a la creation d’un nouvel Etat sur une partie du territoire d’un Etat prćexistant ou sur un territoire sous son administration est considćre comme un fait de ce nouvel Etat.
Commentaire
1) Cet article conccrnc des comportemcnts qui, au moment oii ils ont ćtć adoptćs, ćmanaient d’organcs d’un mouvcment insurrectionnel en lutte contrę le pou-voir constitue. II prćvoit que, au cas ou ce mouvement deviendrait par la suitę le nouveau gouvernement de 1'Etat contrę le pouvoir duquel il s’ćtait insurgć, ou le gouvcrnement d’un Etat nouvcau ayant acquis son indć-pendance par rapport au premier, les comportcments en qucstion seraient considćres comme des faits de ces Etats. II faut donc souligner quc les problemes d’attribution dont il est question dans le prćsent article ne se posent quc dans le cas ou le mouvement insurrectionnel, ayant eu gain de cause, a vu ses structurcs remplacer cclles du gouvcrncmcnt prćcćdent dc 1’Etat en question ou dans le cas oii les structurcs du mouvcment insurrectionnel sont devenues celles d’un Etat nouveau, constituć, par voie dc sćccssion ou dc dćcolonisation, sur une partie du territoire auparavant soumis k la souverainetć ou a 1’administration dc 1’Etat precxistant.
2) Pour justifier 1‘attribution k 1’Etat, comme sourcc ćventuelle dc responsabilitć, des faits commis par des insurgćs qui ont par la suitę etc victorieux, on invoque parfois le fait que pendant la lutte dejk ces insurgćs exeręaicnt une autoritć de « gouvcrnement de fait» sur une partie au moins du territoire dc 1’Etat. Mais dans la pratique on ne fait pas de distinction, aux fins de leur attribution k 1’Etat, entre les agissements d’organcs du mouvement insurrectionnel selon qu’ils ont eu lieu avant ou apres l’acquisition par le mouvemcnt d’un pouvoir effectif sur une region donnće. En memc temps, on I’a vu, les faits des insurgćs ne sont pas considerćs comme des faits de 1’Etat lorsque 1’issue finale de la guerre civile leur a ćtć dćfavorable, meme si, a un moment donnę, ils ont pu exercer une activitć de facto sur une portion quclconque du territoire etatique : cela prouve que
*** Voir ci-dcssus par. 5 k 7 du commentaire.
1’attribution ou la non-attribution k 1’Etat des faits d’insurgćs est tout a fait indćpcndante dc l’exercicc d’un pouvoir de fait de leur part. On a aussi avance 1’idee que, la ou 1’action des insurgćs serait couronnće dc succćs, ceux-ci seraient censes avoir reprćsentć la vraie volonte nationale des leur soulevement contrę le pouvoir constituć. Mais la notion meme de « volonte nationale » est sujette a caution — sans comptcr qu’cn gćnćral le droit international se soucie peu de savoir si un gouvemement donnć est ou n’est pas le reprćsentant de la « vraic » volonte nationale. Cela mis a part, il est difiicile de soutenir que le sort des armes devrait, tel un jugement de Dieu, etablir rćtrospectivement que les vainqueurs ćtaient, des le debut de la guerre civile, plus reprćsentatifs de la vraie voIonte nationale que les vaincus. Au surplus, 1’idće que le mouvement insurrectionnel qui a plus tard remportć la victoire aurait ćtć dćs ses dćbuts le « vrai» gouvernement de 1’Etat parce que incarnant la « vraie » volontć nationale comporterait la consćqucnce que seuls les faits des organes de ce mouvement pourraient etre par la suitę considćres comme des faits dc 1’Etat. Or, cela est nettement contredit par la pratique, qui, comme on va le voir, tient aussi 1’Etat pour rcsponsable des faits commis pendant la lutte par le gouverncment renversć par les insurgćs.
3) A vrai dire, il ne s’agit pas tellement de trouver une justification k 1’attribution a l’Etat, comme source ćvcn-tuclle de responsabilitć intcmationale, des comportemcnts adoptćs par les organes d’un mouvcmcnt insurrectionnel avant la prise du pouvoir par ce dernier. Ce qui importe, c’est de vćrificr si cette attribution se fait ou ne se fait pas dans la rćalitć des rapports internationaux. Mais si l’on veut a tout prix trouver une justification dc principc k cette attribution, il faudrait plutót la chercher dans le fait qu’il existe une continuitć entre 1’organisation que le mouvement insurrectionnel s’ćtait donnće avant de s’emparer du pouvoir et 1’organisation dont, a la suitę du triomphe dc sa cause, il a dotć le gouvcrncmcnt de 1’Etat prćexistant ou celui de l’Etat nouveau qui s’cst sćparć de cet Etat. Et c’est d’ailleurs l’existence de cette continuitć qui justific que l’on se dcmandc s’il est ou non possible d’attribuer k 1’Etat en cause, comme sourcc ĆYcntucllc d’unc responsabilitć intcmationale k sa charge, les comportements adoptćs par des organes du mouve-ment insurrectionnel avant qu’il ne sortc victorieux dc la guerre civile. Cela dit, il convient de prćciser que la qucstion ne se posc pas de la mćmc faęon pour les dcux hypothćses ci-dessus formulćes.
4) Dans la prcmićre hypothćse, le mouvcment insurrectionnel remplace, en tant que nouvcau gouvcrnement ou nouveau rćgime, le gouvcrncment ou le rćgime prćcćdent de l’Etat. L’organisation dirigeante du mouvement insurrectionnel s’emparc du pouvoir dans l’Etat et dcvicnt l’organisation dirigeante de ce dernier, ou du moins elle s’integre, sous une formę ou sous une autre, dans 1’organisation prćcedente de 1’Etat. La continuitć qui existe ainsi entre la nouvelle organisation de 1’Etat et celle du mouvemcnt insurrectionnel entratne donc naturellement 1’attribution k l’Etat des comportements quc les organes du mouvcmcnt insurrectionnel ont pu adopter pendant la lutte, et sans pour cela devier des principes habituellement appliqućs.