ETUDES, YARlETES ET DOCUMENTS 529
imprescriptibilite des crimes contrę Phumanite a ete estimee immediatement (et donc retroactivement) applicable c’est, au moins au regard de la theorie juridique et toute autre consideration de morale universelle misę a part, parce que touchant d’abord a une regle de prescription il convenait de la considerer avant tout comme simple loi de formę... Pour incongrue soit-elle, cette pretention aurait en tout cas le merite de sau-ver la grandę theorie dichotomique appliquee... a 1’application des lois... mais Pinconvenient de faire du bastion de la non-retroactivite de la loi penale la Ligne Maginot de notre droit !
Loin de toutes ces clameurs, la justice coutumiere se satisfait d’appliquer aux faits qu’elle estime reprehensibles les sanctions qu’elle estime fondees... les unes (sanc-tions) et les autres (faits) etant forges au feu de 1’usage ancestral. (Ce qui presente Pincontestable avantage de sauvegarder tous les principes... !).
Le contact avec la civilisation « blanche » n’est pourtant pas sans incidence. Ainsi, 1’introduction debridee de Palcool dans les tribus — a 1’origine de bien des drames — pousse depuis peu les « coutumiers » a exiger un double contróle de circulation et consommation de ce breuvage malefique et a edicter des sanctions speciales a 1’egard de ceux qui violent la nouvelle regle edictee... On doit ici citer en exemple la decision du grand chef Naisseline d’instituer dans son district de Guana (Marę) une police coutumiere chargee de veiller au respect de Pinterdiction de la vente d’alcool dans tout le district, apres une aflaire d’homicide provoque par abus d’alcool il y a quelques annees (la decision coutumiere du grand chef insistant sur 1’interdiction pour l’avenir : « dorenavant »...8. II est, du reste, singulier de noter que si le « codę de 1854 » reste muet sur ce point — et pour cause —9 le palabre des tribus de Pile des Pins en datę du 2 juin 1986 (concomitant de la decision du grand chef de Marę) fus-tige les debordements d’alcool de la faęon suivante : 2 jours de travail a Pencontre de l’individu trouve en etat d’ivresse publique — destruction du vehicule ou demolition du debit de boissons ayant permis le trafie d’alcool, cette demiere disposition coutumiere ayant, on le voit, portee bien plus radicale que les seuls textes repressifs officiels...
Faut-il voir dans cette prise de position (ou de conscience), engendree par de nou-velles circonstances, Pamorce d’une « temporalisation » de Pinfraction ?
Quoi qu’il en soit, la justice coutumiere reste singulierement eloignee des preoccu-pations de la justice etatique sur ce plan... Tout aussi eloignee, sans doute, si Pon se place dans une seconde perspective du temps...
Quatre axes de recherche peuvent etre ici degages : Tun oriente vers le temps de la peine (A), un autre vers le temps du rachat (B), un troisieme vers celui du pardon (C), le demier enfm vers le temps de 1'oubli (D).
S. On peut regretter que Tutilisation de ce cerme, rapportee par temoignage, ne puisse etre autre-ment certifiee, s’agissant d’une decision coutumiere et donc par essence orale. Nos recherches ne nous ont pas permis de retrouver tracę ecrite de cette decision.
9. Rappelons a toutes fins que Tacte de « prise de possession » de la Nouvelle*Caledonie par la France ne remonte qu’au 24 septembre 18S3 !
Rev. sciencecrim. (3), juill.-sept. 1990