ĆTUDES, VARl£T£S ET DOCUMENTS 523
droit, sans qu’il soit ąuestion de dresser une veritable typologie des sanctions coutu-mieres, a Jaquelle il conviendrait de consacrer une etude specifique2.
C’est aux deux sources metaphysiques du temps, que sont l’instant et la duree que nous puiserons les elements essentiels de notre reflexion.
L’infraction n’existe qu’au moment oii elle se commet : c’est la un truisme qui masque en realite bien des difficultes. Car d’une part, la determination de ce moment n’est pas aussi simple qu’il y parait de prime abord, et d’autre part, cette determination emporte des consequences extraordinaires.
La determination du moment est capitale dans notre droit individualiste puisque seule elle permet d’« identifier » avec certitude le fait poursuivi, (ouvrant ainsi possi-bilite a son auteur presume de s’en defendre), puisque seule encore elle permet de verifier si le fait poursuivi n’est pas atteint de prescription, puisque seule enfin elle permet d’apprecier la gravite relative du fait, soit qu’elle place son auteur en etat de recidive, soit que le moment meme de Pinfraction lui confere un caractere aggravant (delit de vol ou de chasse prohibee commis de nuit, par exemple).
Bomons-nous ici a ce simple enonce pour dire que cette prise en compte du temps echappe a notre connaissance, pour la plus large part, a la justice coutumiere, encore que la coutume se revele sensible au temps astronomique et montre defiance ou hostilite a 1’egard de toute manifestation noctume (un « codę des tribus » datę du 9 fevrier 1854, ne reprime-t-il pas specialement la « danse noctume » d’une peine de « 1 a 3 jours » ? — d’emprisonnement sous-entendu — en un lapidaire article 13.
Et contentons-nous d’esquisser la difficulte majeure de la determination du moment, des lors que Ton se trouve en presence d’infractions dont les elements constitutifs peuvent s’etaler dans le temps, telle l’escroquerie, ou dont la revelation varie en fonc-tion de la connaissance que peut en avoir eu la victime (comme en matiere d’abus de confiance, abus de biens sociaux.). Ces divers aspects d’un droit hautement technique echappent evidemment au champ d’investigation de la justice coutumiere — pour en venir a ce qui nous semble le plus revelateur de vraies discordances entre les deux systemes de droit en presence. Trois points meritent de retenir plus specialement 1’attention.
La determination du moment ou se commet 1'infraction emporte, en effet, d’extraordinaires consequences quant a son auteur (A), a sa victime (B) et a la loi applicable (C).
L’equation « temps de 1’infraction — age de son auteur » est, dans notre droit, un prealable a la poursuite puisque c*est Page de 1’auteur au moment de 1’acte considere qui va determiner le modę d’action et la naturę des sanctions qui lui seront applicables.
Ainsi, tel enfant « coupable » d’un acte ordinairement reprehensible echappera par principe a toute condamnation penale s’il se trouvait age de moins de 13 ans au moment des faits (art. 66 c. pen. et art. 2 a contrario de Pordonnance du 2 fevr. 1945), tandis que Penfant age de 13 a 18 ans relevera d’une juridiction penale specialisee (juge ou tribunal pour enfant — cour d’assises des mineurs pour le criminel age de 16
2. Contentons-nous ici d’afTirnier que les sanctions coutumieres les plus usuelies sont, par ordre de lrequence decroissant : la bastonnade, le travail dit d’utilite collective, la destruction des biens du coupable, le bannissement dc la tribu (un cumul de ces differentes sanctions n’etant pas a exclure).
Rev. science crlm. (3), juill.-sept. 1990