562 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PfcNAL COMPARfi
d’avoir refuse de reveler a des gendarmes sa veritable identite (Trib. corr. Pontoise, 18 janv. 1961, aff. Corbineau, J.C.P. 1961. II. 12243, notę Fr. Lamand et obs. A. Vitu, etude prec. au Juris-cl. pen. n° 61).
Eu egard a Pautorite de 1’annotateur du present arret commente a la Semaine juri-diąne, il peut paraitre vain d’essayer de prendre la defense de la solution repressive qui, en Pespece, a ete retenue, avec 1’approbation de la Cour de cassation, par la cour de Limoges. Cependant nous tenterons de le faire en replaęant la decision inter-venue dans le contexte d’une jurisprudence fixee depuis plus d’un demi-siecle et tres generalement approuvee par la doctrine (cf. obs. Hugueney, cette Revue, 1946.62 et 1963.344 ; A. Vitu, cette Renie, 1971.933 et Petude prec. au Juris-cl. pin. n°» 53-59): la jurisprudence qui qualifie d’outrage au sens des articles 222 et suivant du codę penal le fait de denoncer aux magistrats ou aux agents de la force publique des infractions imaginaires et d’amener ainsi ceux-ci a faire un travail d’enquete inutile.
A cet egard la formule relevee dans Parret Cayez est significative : la denonciation de faits inexistants a des gendarmes, declare la Chambre criminelle, « impliąue la conscience chez son auteur qu’il porte atteinte a iautorite de ceux-ci en les exposant a d’inutiles recherches ... et caracterise les elements legaux du delit de 1’article 224 du codę pinal et, notamment, 1’intention criminelle » (Crim. 13 mai 1971, J.C.P. 1971. II. 16844 et la notę ; obs. A. Vitu, prec. cette Renie, 1971.933 et, dans le meme sens, a la meme datę, aff. Chupin, Buli. crim. n° 159 ; Metz, 16 dec. 1987, Juris Data n° 050206).
Or 1’analyse de cette jurisprudence prouve que ce qui est decisif pour 1’affirmation de l’existence du delit d’outrage n’est pas le fait qu’a Porigine de Pactivite inutilement deployee par les autorites il y a eu une initiative, une demarche positive du prevenu. Sans doute les decisions insistent-eiles, pour condamner, sur la necessite d’une uspon-taneite » de 1’afTabulation outrageante, mais seulement dans le souci de respecter les droits de la defense et d’exclure du champ de la repression le cas ou une personne, pour se soustraire a des poursuites penales ou disciplinaires, inventerait des infractions imaginaires dont elle aurait ete victime (Crim. 12 dec. 1931, Buli. crim. n° 294, D.H. 1933. 117 ; Gaz. Pal. 1932. 1. 172 ; Paris, 24 juin 1965, J.C.P. 1966. II. 14700, notę D. Becourt). Comment d’ailleurs une telle initiative pourrait-elle etre qualifiee de determinantę pour caracteriser et materialiser le delit d’outrage, alors qu’en generał elle est exempte de toute parole, de tout geste ou ecrit ... offensant ?
En realite, ce qui, en ces cas, materialise le delit, est Pactivite que vont deployer en vain, inutilement, les autorites induites en erreur : les voici contraintes a proceder a des investigations, des constats, des auditions, a dresser autant de proces-verbaux pour des infractions inexistantes... Elles se ridiculisent elles-mimes par les paroles qu’elles prononcent, par les ecrits qu’elles dressent en parfaite inutilite ! Elles com-promettent leur autorite en depensant leur energie et leur temps pour rien !
L’outrage « reęu » (cf. les termes memes de Part. 222 c. pen.) est alors d’autant plus irritant que ce sont les victimes de celui-ci (les autorites) qui sont amenees a se 1’infliger et ainsi a « s auto-ridiculiser ».
Si, dans ces hypotheses, Poutrage se materialise essentiellement en cela, il importe peu que les agents de la force publique aient ete induits en erreur par une personne qui se presente comme victime d’une infraction imaginaire (jurisprudence Cayez prec.) ou comme auteur d’une infraction inexistante (situation rencontree dans la presente affaire commentee ou Pautomobiliste, en se laissant verbaliser pour un fait qu’il savait non punissable, conduisait les gendarmes a faire des diligences parfaitement inutiles).
Ainsi replacee dans le contexte de la jurisprudence analysee, la solution repressive consacree par Parret etudie n’apparait pas, a nos yeux, comme « particulierement cri-tiquable » : elle s’inscrit tres naturellement dans une logique repressive qui s’est affir-mee depuis longtemps deja en la matiere. Si un reproche peut lui etre adresse, il ne se situe pas, pour nous, sur le terrain du fond ; il se place seulement sur celui de la formę. Et, a cet egard, nous serons d’accord avec notre collegue A. Vitu pour repro-
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990