558 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PfcNAL COMPARfc
que les faits infractionnels vises par elle et commis avant la datę qu’elle foce echap-pent a toute poursuite, et que les condamnations qui les ont frappes soient effacees. Mais le pardon legał ne va pas plus loin. Comme Pa fort exactement souligne le professeur Doucet, « la loi d’amnistie ne nie pas Pexistence de ces faits, elle ne nie pas non plus que ces faits tombaient sous le coup de la loi penale le jour ou ils ont ete accomplis ; elle fait simplement obstacle a toute qualification penale ». D’ou la consequence qu’en a tiree la cour de Paris : la loi d’amnistie ne prive pas le fait infractionnel de sa specificite, celle que, precisement, lui imprime la loi du 29 juillet 1881, dont les regles particulieres continuent de lui etre appliquees et, parmi elles, la disposition de Particie 65 sur la prescription de trois mois.
La Cour de cassation sera-t-elle saisie de la difficulte ? L’attitude hostile qu’elle te-moigne generalement a 1’egard des lois d’amnistie donnę a penser qu’elle approuvera la solution donnee par la cour d’appel de Paris dans son arret du 5 octobre 1989, et qui apparalt rationnellement fondee.
Commeręant en televiseurs et materiel Hifi, un sieur P. offrait, pour la vente de tout magnetoscope, une prime consistant en la remise, a Pacheteur, de cent films en location. Si Pordonnance du l" decembre 1986 relative a la liberie des prix et de la concurrence a largement simplifie et edulcore la reglementation des ventes et presta-tions de services avec primes (sur le droit anterieur a 1986, cf. M. P. Hilbert, L’inter-diction des ventes et prestations de service avec primes dans la loi du 20 mars 1951, these dactylographiee, Nancy, 1986), demeurent cependant interdites les primes pro-posees aux consommateurs et consistant en des produits, biens ou services non iden-tiques a ceux qui forment Pobjet de la vente ou de la prestation de service (art. 29), ce qui etait le cas du sieur P. Et voila ce demier poursuivi, non pas devant le tribunal correctionnel comme ę’eut ete le cas sous Pempire de la loi du 20 mai 1951 (combi-nee a Pordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945), mais devant le tribunal de police pour s’y entendre condamner aux peines contraventionnelles de la cinquieme classe prevues par le decret du 29 decembre 1986 (art. 33, al. ler). Or le tribunal de police declara amnisties les faits reproches, en application de la łoi d’amnistie du 20 juillet 1988, ces faits etant anterieurs a la datę du 22 mai 1988 fixee par cette loi.
Frappee d’appel par le ministere public, la decision a ete confirmee par la cour de Douai le 17 novembre 1989 (arret aimablement communiąue par M. le conseiller R. Levy). II n’est pas ininteressant d’analyser le raisonnement suivi par la cour, car il met en relief la technique imparfaite selon laquelle sont redigees certaines lois d’amnistie.
La loi du 20 juillet 1988 a expressement ecarte du benefice du pardon qu’elle insti-tue une longue listę de faits au rangs desquels figurent « les infractions prevues par les articles 17, 31, 34, 35 et 52 de Pordonnance n° 86-1243 du ler decembre 1986 ... et par les textes pris pour l’application de cette ordonnance... » (art. 29-12°, loi du 20 juill. 1988). Ecrite dans Particie 29 de Pordonnance de 1986, la prohibition des ventes avec primes ne releve donc pas de Penumeration de textes par laquelle debute Particie 29-12° precite ; cependant, puisque les sanctions attachees aux ventes avec primes illegales sont inserees dans le decret du 29 decembre 1986 (art. 33), ne devrait-on pas dire — comme sans doute Pavait fait le ministere public, en poursuivant le sieur P. — que, ce decret constituant en Pespece un « texte pris pour Papplication de Pordonnance » de 1986, les infractions rattachees a ce decret sont, elles aussi, ecartees du benefice du pardon legał par Particie 29-12° ?
Les magistrats de la cour d’appel de Douai ont repousse cette conclusion. Le decret du 29 decembre 1986 se contente de prevoir, pour les ventes avec primes, des peines contraventionneiles, mais ce n’est pas lui qui decrit Pinfraction et contient 1’in-crimination correspondante : celle-ci est inseree dans Pordonnance du ler decembre 1986. En raison de cette dissociation entre la normę et la sanction, la premiere placee
Rev. science crim. (3), juill.-scpt. 1990