654 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PĆNAL COMPARfe
ment alors que le pourcentage est de I’ordre de 75 % pour Venissieux, a la lumiere de ces resultats on comprend que la perception du sentiment d’insecurite peut varier for-tement d’un quartier a un autre.
Le choix de la demarche d’analyser le sentiment d’insecurite en terme de crise des mecanismes de regulation, imposait d’analyser les tribunaux de police competents pour les deux lieux retenus dans la recherche. C’est pour cette raison que 1’auteur a etudie le tribunal de police de Lyon qui est competent pour le deuxieme arrondisse-ment et celui de Villeurbanne pour les affaires relevant de Venissieux.
Cette demarche comparative impliquait aussi que ne soit pas analyse Pensemble des affaires traitees par la juridiction mais seulement celles provenant des lieux etudies. Donc il a ete opere, pour Pannee 1986, une selection des affaires qui etaient inscrites au role des audiences de 4e et 5e classes des tribunaux de police de Lyon et de Villeurbanne en ne prenant en compte que les affaires ou Pevenement qui avait motive le renvoi devant la juridiction s’etait deroule soit dans le 2* arrondissement de Lyon soit a Venissieux. Ont ete recensees, en faisant le total des affaires de 4* et 5e classes, 58 affaires pour Lyon et 39 pour Villeurbanne. Ce resultat est tres faible si l’on se refere au nombre d’affaires ayant fait 1’objet d’une main courante et qui pou-vaient donner lieu a une poursuite penale. II s’agit le plus souyent d’affaires liees a des coups et blessures volontaires (50 %) opposant des professionnels a des particu-liers ou des automobilistes entre eux. Ce n’est que dans 39,7 % des dossiers etudies a Lyon et 28,2 % a Villeurbanne, que 1’on enregistre une constitution de partie civile. Seulement une minorite des victimes reside dans les lieux retenus pour la recherche, ainsi pour les affaires inscrites au role du tribunal de Lyon il n’y a que 27,6 % des victimes qui resident dans le 2* arrondissement, et pour le tribunal de Vilieurbanne on retrouve des resultats similaires puisque seulement 33,3 % des victimes demeurent a Venissieux.
Cette crise des mecanismes traditionnels de regulation sociale a contribue a la re-mise en cause de cette politique de rationalisation continue des procedures d’intervention de l’Etat avec la proliferation de structures specialisees, qui intervien-nent sans yeritable coordination sur un meme territoire. On a tendance a dire que ce sont les evenements de « 1’ete chaud » de 1981 suryenus dans le quartier des Minguettes de Venissieux, qui ont amene 1'Etat a prendre un certain nombre d’initia-tives pour faire face au phenomene de Pinsecurite. Si ces evenements ne sont peut-etre pas a Porigine de 1’ensemble des mesures prises par 1’Etat, ils ont au moins ac-celere le processus de leur misę en place. Parmi les plus connues, on peut mentionner le Conseil national de prevention de la delinquance (C.N.P.D.), la Commission natio-nale pour le developpement social des quartiers (C.N.D.S.Q.). L’ensemble de ces structures presentent en commun la particularite d’etre des structures interministe-rielles et de s’inscrire dans un processus de decentralisation impliquant non seulement de nouvelles relations entre Etat et collectivites locales, mais aussi de nouvelles manieres de traiter les problemes en privilegiant 1’approche transversale. Le quartier Armstrong des Minguettes fut un des premiers quartiers inscrits dans cette po!itjque de deyeloppement social et on dispose ainsi d’un certain recul pour proceder a une evaluation de ce type d’operation.
Au moment de la misę en oeuvre de cette politique de deyeloppement social il ap-paraissait que seules des solidarites de naturę domestique semblaient lier les habitants de ce quartier qui n’ont en commun que l’exclusion sous diverses formes : faible niveau de vie, precarite d’emploi, emigration. Cette politique volontariste de PEtat reposait sur un certain determinisme enyironnemental avec 1’idee que des modifica-tions de Penvironnement urbain pouyaient induire ou modifier des types de compor-tements. On retrouve a travers ces operations des principes enonces par des urba-nistes americains comme O. Newman, avec sa doctrine sur P« espace dissuasif» qui soutenait qu’une utilisation diversifiee des espaces pouvait stimuler un contróle social informel par Paugmentation des possibilites de suryeillance de la part des residents et contribuer ainsi a faire reculer le sentiment d’insecurite. Ces theories ont fait Pobjet
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990