528 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PĆNAL COMPARE
datę futurę de son entree en vigueur (« lex moneat priusąuam feriat », la loi previent avant de frapper !).
Toute autre loi « non flechee » de la sorte n’entre en vigueur a Paris qu’un jour franc apres sa publication au Journal offlciel, et dans les autres villes de metropole un jour franc apres arrivee du meme Journal offlciel aux divers chefs-lieux d’arrondissement (sieges des sous-prefectures).
Ainsi, une meme loi ne sera-t-elle pas applicable en meme temps a tous les citoyens vivant en metropole.
Et ce hiatus, tout de meme extravagant a l’ere de 1’hypercommunication, s’accentue encore si Pon considere la situation en Nouvelle-Caledonie ou la loi pu-bliee en metropole ne devient executoire — a condition qu’elle se proclame elle-meme applicable au Territoire — qu’un jour franc apres sa publication ou simple promulga-tion au Journal offlciel local... ou deux jours francs apres l’arrivee de ce joumal aux chefs-lieux des subdivisions.
A moins que, s’agissant d’une loi dite « de souverainete », elle ne soit elle-meme consideree comme applicable de plein droit, auquel cas c’est le jour d’arrivee du Journal offlciel de la Republique franęaise au Haut-Commissariat qui compte... (Cf. Droit d’Outre-Mer et de la cooperation, Franęois Luchaire, Coli. Themis)6.
A titre d’exemple de ce regrettable hiatus, signalons que la recente loi d’amnistie du 10 janvier 1990 pourtant specialement destinee a la Nouvelle-Caledonie et parue au Journal offlciel de la Republique franęaise du 12 janvier n’est entree en vigueur que le 2 fevrier 1990, soit le lendemain de la parution effective du Joumal offlciel de la Nouvelle-Caledonie datę du 23 janvier 1990 !7
On le voit, Papplication de la loi se fait donc « en Cascade »... a la plus grandę perplexite, parfois, du juge charge de Pappliquer ! Est-il besoin de dire que le sys-teme coutumier (qui ne dispose par de joumal ofTiciel) se passe volontiers de telles « chicanes » ?
Pour autant, la question de Papplicabilite de la loi au fait considere n’est-elle pas epuisee puisqu’une jurisprudence tres solide introduit cette exquise subtilite consistant a limiter le principe de non-retroactivite a la seule loi de fond (qui vise les incrimi-nations ou penalites nouvelles) mais a la condition qu’elle soit moins douce que Pan-cienne (la retroactivite in mitius n’est-elle pas 1’une des plus belles pages du breviaire de Petudiant en droit, avec celle, tout aussitót, de Papprentissage de Pexception a Pexception de retroactivite de la loi dite plus douce des lors qu’il s’agit d’une loi d’ordre economique... !?), ecartant en revanche ce principe a Pegard de la loi de formę (celle qui touche a la procedurę ou aux regles de prescription) dont Papplication doit etre, dit-elle, immediate (et donc retroactive a Pegard des faits anterieurs non encore juges).
Or, la distinction loi de fond — loi de formę suscite bien des controverses et Pon mesure Petendue de la reflexion (il faudrait dire, pour le magistrat, Pabime de la re-flexion) des lors qu’une meme loi comporte a la fois des dispositions de pure formę et des dispositions de fond : son application se fera alors en cascade et par saccades !
Et i) serait bien imprudent de considerer la loi dite de formę, comme parfaitement derisoire au plan de la liberte individuelle, vrai mobile du principe de legalite : il y aurait sans doute exces a pretendre que si la loi du 26 decembre 1964 portant
6. Le seul ennui est qu’il n’existe aucune dćfinition « legale » de cette categorie de lois dites « de souverainete » et que, dans 1’incertitude et le silence de la loi sur son applicabilite dans les TOM, elle est plutót consideree par principe inapplicable !
7. Pour etre complct (?), il faudrait cependant signaler l’existence d’un decret du 28 novembre 1866 — dont Papplicabilite presente n’est peut-etre pas indiscutable — qui permet au Chef du Teni-toire, en cas d’urgcnce ou de circonstances exceptionnelles, de faire publier un texte par « tous moyens », notamment par « afiiches ou son de trompes » (Heureuse symbiose avec la realite du monde coutumier ?)... !
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990