516 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PĆNAL COMPARfi
II.-UNE REVOLUTION CACHEE MAIS PROFONDE: UNE SOUS TRACTION PERMETTANT D’APPREHENDER DES REPRO-DUCTIONS QUI NE POURRAIENT L’ETRE PAR LA CONTRE-FAęON
Cette revolution qui est, selon nous, la veritable revoIution de 1’arret Bourąuin tient a ce que cet arret remet en cause les frontieres jusqu’a present etanches qui separaient la contrefaęon et le vol. Elle vient de ce que la sous-traction de 1’information a ete situee dans sa reproduction. De la sorte, on va le voir, 1’arret Bourąuin soumet 1’acception traditionnelle de la contrefaęon a une destabilisation (A) dont les ondes de choc vont tres loin, surtout en ma-tiere informatique, parce qu’elles ont pour effet de reduire la discontinuite de la loi penale (B).
L’activite consistant a reproduire appelle, normalement, la denomination de contrefaęon parce que, au sens premier, contrefaire consiste a reproduire, mais quand on applique a un fait de reproduction la qualiflcation juridique de contrefaęon 1’idee de soustraction du contenu de la creation contrefaite est necessairement exclue (1). L’arret Bourąuin admet, lui, qu’en procedant a une reproduction on peut soustraire Tinformation reproduite ; ii introduit donc, dans notre droit penal, un nouveau type de reproduction penalement reprehensible (2).
1. En principe une reproduction est une contrefaęon, mais la qualification de contrefaęon est exclusive de l’idee de soustraction du contenu de la creation contrefaite.
Les delits dont 1’element proprement constitutif peut resider dans une reproduction sont assez nombreux et varies (contrefaęon en matiere de pro-priete litteraire et artistique, de dessins et modeles, de marque de monnaie, de sceau de 1’Etat, d’ecriture, etc.) mais ils comportent, tous, une meme condition prealable: la creation contrefaite doit avoir ete fixee dans les formes juridiquement reconnues. S’agissant de contrefaęon des oeuvres litte-raires et artistiques, l’exigence vient de ce que le droit des proprietes incor-porelles accorde sa protection a la formę et non aux idees qui, dit-on, sont de librę parcours. S’agissant de la contrefaęon dans le faux documentaire, l’exigence vient de ce que rćcriture et la formę de certains documents sont source d’authenticite.
La formę est alors condition de realisation materielle de la contrefaęon: on ne peut reproduire, au sens strict, que s’il existe un modele. Elle est aussi condition d’existence de la situation juridique protegee : a defaut de formę point de droit ou d’institution reconnue ; mais la contrefaęon ne protege pas pour autant le contenu substantiel du droit ou de 1’institution puisque ceux-ci n’existent que s’ils ont donnę lieu a fixation dans une formę donnee. C’est pourquoi la contrefaęon peut etre consideree comme incompatible avec l’idee d’apprehension frauduleuse du contenu de la creation contrefaite.
Rev. sciencecrim. (3), juill.-sept. 1990