652 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PĆNAL COMPARE
« odieux », « asymetriąue », « autonome » et « legalistę ». La freąuence des cas d’extension de rincrimination — le vol, en particulier, souvent elargi a des soustrac-tions frauduleuses non prevues par la loi (courant electrique, retraits par carte ban-caire, programmes informatiąues...) — le montre amplement. Le raisonnement suivi peut-etre teIeoIogique (il convient d’adapter « une disposition penale a PevoIution de la conscience sociale et aux besoins repressifs nouveaux ») ou meme analogique — meme s’il est rarement nomme comme tel (« si apres la misę en vigueur de la loi, des faits se manifestent qui entrent dans sa formule, la loi les punira alors meme que le legislateur au moment ou il le faisait etait dans Pimpossibilite de les pressentir ») (2e partie redigee par M. van de Kerchove).
Mais il est probable que c’est le choix des methodes d’interpretation adoptees par la Cour europeenne des droits de Phomme qui temoigne du dynamisme de la notion de directive. Ici dominent les directives tćleologiąues. Le texte de la Convention est conęu comme ayant jete les bases d’une loi commune et evolutive qui transcende les interets nationaux et doit sans cesse etre reinterprete par le juge europeen. II s’agit de proteger les droits « concrets et effectifs », de veiller a un rapport de proportionnalite entre la mesure etatique adoptee et le but legitime vise et surtout de respecter un « standard de legitimite democratique » comme le souligne avec nettete une formula-tion plusieurs fois reprise : « Dans une societe democratique au sens de la Conven-tion, le droit a une bonne administration de la justice occupe une place si eminente qu’une interpretation restrictive de 1’article 6 ne correspondrait pas au but et a Pobjet de cette disposition » (arret Delcourt, 17 janv. 1970). Dans sa recherche d’un equi-libre dynamique entre les souverainetes nationales et les legitimes revendications indi-viduelles, entre la logique centrifuge (celle de la « marge nationale d’appreciation ») et la logique centripete (celle du contróle europeen) la Cour veut faire prevaloir, dans le cadre tracę par la Convention, une methode d’interpretation qui est en fait une veritable politique juridique (3e partie redigee par M. Ost).
Ce qui se joue, au fond, dans le jeu des directives d’interpretation est la place oc-cupee par les acteurs du systeme juridique telle que la revele le modę de raisonnement adopte. Les auteurs soulignent ce point fondamental des leur avant-propos (p. 12-13), au cours de Petude sur les jurisprudences civile et penale (p. 147 et 233) avant d’y revenir au terme du chapitre consacre a la Cour europeenne des droits de Phomme (p. 322 notamment). Croire a une liberte totale de Pinterprete ou a la souve-rainete absolue du legislateur serait illusoire. A travers « Peclectisme de la jurispru-dence » ou « le pragmatisme des juges » se noue un dialogue dont Penjeu perpetuel-lement reformule est au centre de la pensee juridique occidentale. La loi y apparait moins comme Pexpression d’un legislateur rationnel et souverain que d’une « volonte raisonnable » dont on presume la coherence avant d’en deduire les appłications pos-sibles. L’ interpretation creatrice de droit nait d’une pratique de la controverse qui se degage d’une logique binaire d’opposition ou d’exclusion (la lettre ou Pesprit, la lettre contrę Pesprit...) pour mieux associer, entre la lettre et Pesprit, le developpement du droit a la coherence du systeme. Ainsi le droit se perpetue...
Denis SALAS
L’insecuriU : la crise des mecanismes de rćgulation sociale, par Jean-Pierre Bonafe-Schmitt en collaboration avec Nicole Schmutz, Rejane Bonafe-Schmitt, Lyon Groupe lyonnais de sociologie industrielle, Atelier de sociologie juridique, Uni-versite Lumiere, Lyon II, 1989, 285 pages roneotypees et annexes.
L’objet de cette recherche repose sur Petude du sentiment d’insecurite, analyse comme une des manifestations de la crise de nos systemes de regulation sociale. J.-P. Bonafe-Schmitt est parti de Phypothese que cette crise des mecanismes de regulation n’etait pas le resultat de simples dysfonctionnements de Pappareil etatique, dans ses composantes judiciaires ou policieres, mais etait le revelateur de Pexistence d’une
Rew. science crim. (3), juill.-sept. 1990