576 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PENAL COMPARE
Aveugles de France et bien d’autres associations ne touchent que de 10 % a 15 % des regies publicitaires ; 30 % c’est le double de ce que tout le monde a sur Paris ! ». Ces moeurs financieres parurent quand meme bien etranges au tribunal. Nous esti-mons malsain que les societes achetant un espace soient souvent ignorantes que 70 %, et meme souvent plus, de leurs contrats passes avec des associations humani-taires enrichissent les societes de publicite.
Comme nous l’avons rapporte souvent dans cette chronique (V. notamment cette Renie, 1987.702 et 1988.796), marabout, medium, devin, voyante-extralucide, desen-vouteur : sous des noms divers, ils sont nombreux a profiter du desarroi de personnes trop credules pour leur soutirer de fortes sommes. Pourtant, rares sont les victimes qui portent plainte, d’ou 1’interet du jugement du tribunal correctionnel de Rennes, du 20 septembre 1989 (inedit) : le pseudo magicien est condamne et son client recupere les 72 000 F qu’il lui a verses.
M. B.C., venu du Senegal, s’etait installe a Rennes en 1988. II avait fait passer des annonces dans les joumaux gratuits d’Ile-et-Vilaine, avec sa photo, « Maitre Mamadou, medium intemational, travail tres rapide et etudie ». Les patients afłluerent, helas ! Parmi eux, se trouvait M.G. qui cherchait un moyen magique pour retenir son epouse. Pour obtenir l’intervention du « medium », il vendit sa maison et versa au to-tal 72 000 F. Malgre les incantations, les produits liquides ou en poudre, la belle s’envola. Le mari saisit la justice. Une perquisition eflfectuee au domicile de B. don-nait des resultats tout a fait revelateurs de Pampleur de ses activites : cinq livrets de Caisse d’Epargne credites d’une somme totale de 110 140 F, cinq cheques de clients pour un montant total de 13 700 F etaient decouverts. La meme operation revelait l’envoi de mandats postaux au Senegal, destines selon le mis en cause, a son epouse et amenait, en outre, la decouverte de nombreuses photos de clients. A Paudience, le substitut s’etonna a bon droit que les autres victimes n’aient pas porte plainte et, en particulier, que certains clients aient refuse de reprendre les cheques decouverts chez M. B.C.
La defense declara avec humour et non sans une certaine pertinence, il faut bien le reconnaitre, pourquoi poursuivre mon client, alors, d’une part, que les clients avaient verse spontanement de Pargent et d’autre part, surtout en France, tant d’autres, hommes et femmes, pratiquent leur activite lucrative sans etre inquietes ; il suffit d’ouvrir les pages de joumaux (meme certains de la categorie dite serieuse), pour voir s’etaler les annonces pour les mediums, astrologues de toute espece.
Certes, ce laxisme de la repression qui ressort plus de la politique en generał que de la politique criminelle est tout a fait regrettable. Mais, il etait incontestable que M. B.C. avait employe des manoeuvres frauduleuses, en particulier, en foumissant a la victime des produits « magiques », pour persuader Pexistence d’un pouvoir imaginaire et avait ainsi escroque une partie de la fortunę de M.G. Douze mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 F d’amende, ce n’est pas bien cher !
Dans un arret du 17 mai 1989 (Gaz. Pal. 29-31 oct. 1989. 15, notę J.-P. Doucet), la Cour supremę commence par rappeler deux principes qui sont incontestables :
1°) « Le recel n’est constitue que si les choses detenues proviennent d’une action qualifiee crime ou delit par la loi ». Precisons bien qu’il s’agit du recel de choses qu’on appelle souvent le recel-complicite. Rappelons que suivant une autre formule plus developpee, on dit le plus souvent que ce recel-complicite n’existe que s’il existe prealablement un acte principal qualifie crime ou delit.
Rev. sciencecrim. (3), juill.-scpt. 1990