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522 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PfcNAL COMPARfe

echappe aux divisions classiąues ou deborde sur elles, que les auteurs ont finalement renonce a le « cJassifier »...

La loi, quant a elle, ignore ce scrupule de rhetoricien et menage au temps une place de premier rang. En verite, le temps fait Pobjet des plus grands soins, si soi-gneusement delimite que la loi elle-meme s’en trouve, parfois, defiguree.

Mais si la recherche du temps dans notre droit penal (qui n’est jamais temps perdu !) amene a des constats edifiants sur le modę de fonctionnement de notre societe, cette recherche prend une toute autre dimension des lors qu’on la rapproche a titre comparatif de la maniere dont le temps est apprehende en milieu melanesien.

Ce « milieu » constitue en Nouvelle-Caledonie une micro-societe (composee tres exactement de 73 598 personnes sur une population totale de 164 173 habitants selon demier recensement publie le 4 avril 1989), micro-societe relativement protegee par ce que l’on appelle la « coutume ». Et il n’est pas sans interet de relever que si cette protection est theoriquement forte en matiere civile (ou les citoyens d’origine melane-sienne beneficient d’un statut particulier) et inexistante en matiere penale (ou Pautorite dePEtat est censee s’exercer indistinctement sur tout residant en Nouvelle-Caledonie), la pratique coutumiere tend a etendre cette protection jusque dans le domaine penal.

Une etude — meme approximative — de cette pratique, ou PEtat n’a pas toujours le demier mot, et de ses principales caracteristiques nous permettra cet essai comparatif avec le droit etabli.

II est vrai que tenter une telle comparaison entre deux systemes aux supports tota-lement etrangers Pun a Pautre _ Pun beneficiant de la double onction de Pecrit et de la souverainete de PEtat — Pautre ne justifiant son existence que par survivance de coutumes ancestrales non codifiees et litteralement (!) transmises par « oui-dire » — peut apparaitre hasardeux.

L’essai merite cependant d’etre fait nous semble-t-il, avec toutes les reserves d’usage liees a la variabilite de la coutume, et procure d’ailleurs quelques surprises de taille pour celui qui s’interroge sur ce qui fonde la societe franęaise « a Poccidentale » et ce qui fonde, en la distinguant, la societe melanesienne de Nouvelle-Caledonie.

Par seul souci d’abreviation sommaire, nous parlerons de « justice coutumiere » par opposition a la justice etatique, encore que la premiere soit sujette a controyerses1 et chercherons a determiner Pincidence du temps dans Pun et Pautre de ces systemes de

I. Pour tracer en quelques mots le portrait de la « justice coutumiere » et de 1'organisation que suppose rexpression, nous dirons qu’elle s’exerce :

—    au niveau de la    tribu,    groupe social de    base dc la societe    melanesienne d’aujourd’hui, a travers

le « Conseil des Anciens »    represcntatif des    divers clans qui    la    composent, reuni autour d‘un « petit

chef » dont le role est de veiller a I’execution de la sanction prononcee. II existe en Nouvelle-Caledonie 333 tribus ;

—    au niveau du district, qui recouvre plusieurs tribus, a travers le « Conseil de District » reuni autour d’un « grand chef ». Ce conseil remplit occasionnellement une fonction d’appel des decisions du Conseil des Anciens, mais son intervention se justifie le plus souvent par l’existence d’un conflit intertribal. Le territoire est divise en 42 districts. II est important de preciser que 1’institution des petits chefs et des grands chefs est source de polćmiques et luttes d’influences dans la mesure ou, depuis la prise de possession de la Nouvelle-Caledonie par la France, certains d’entre eux sont direc-tement designes par 1’Administration a cette fonction.

II convient, par ailleurs, de ne pas confondre cette organisation avec le decoupage du territoire en 8 grandes « aires coutumieres » tel quc, s*inspirant sur ce point du Statut Lemoine (łoi du 6 scpt. 1984) puis du Statut    Pons    (loi du 22 janv.    1988), l’a prevu    le    Statut Rocard (loi du 9 nov. 1988),

aires d’ou est issu le    « Conseil coutumier consultatif » dont    la    competence reste vague (emettrc des

« avis » sur les projets ou propositions de deliberation des provinces) (cf. art. 60 a 62 du Statut), mais en tout cas etrangere a toute intervention dans le fonctionnement de la justice, qu’elle soit d’Etat ou coutumiere. Et rappelons, pour mieux situer le debat, que cette demiere est seulement to-leree dans le domaine penal. Son influence quotidienne n’en est pas moins reelle, et sans doute plus particulierement dans les Ileś Loyaute (Lifou, Marę, Ouvea, Tiga) desormais constituees en Proyince...

Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990



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