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Adeline RUCQUOI
De nombreux rćseaux d’acquisition du savoir nous ćchappent egalement, pour n’avoir pas laissć de traces dans la documentation. Nous sommes trós mai renseignćs, par exemple, sur Fćducation fćmi-nine alors que nous savons que les femmes lisaient, qu’elles corres-pondaient - par po£mes ou lettres - avec de nombreux lettrćs de leur epoque, et que certaines, comme Teresa de Cartagena, furent elles-memes auteurs d’ouvrages. Lorsque la reine Isabelle la Catholique, qui avait reuni a sa cour humanistes italiens et artistes flamands, vou-lut etudier le latin, elle engagea pour ce faire une próceptrice, Bća-trice Galindo dite la Latina; Rodrigo Sanchez de Arćvalo dut son education a sa mere qui le poussa k faire des etudes ; et le seigneur de Monterrey, don Juan de Zuniga, promettait en 1490 k sa filie des bijoux le jour ou elle saurait bien lirę et bien ecrire.
Des indices revelent par ailleurs qu’un certain nombre d’Espa-gnols, souvent issus des noblesses urbaines, furent ćleves en Italie : le plus fameux d’entre eux est le cordouan Nuno de Guzm&n, flis du Maitre de Calatrava Luis de Guzman, qui ramena de nombreux manuscrits de Florence et commanda a des humanistes italiens tra-ductions et oeuvres originales; membre de F oligarchie urbaine de Burgos, Fernando de la Torre (c. 1416-1475) rappelle dans 1’une de ses lettres etre passe par une ecole de Florence. Beaucoup d’Arago-nais et Castillans firent en outre, a des ages divers, des sejours en Italie ou ils accompagnaient rois et cardinaux, participaient a des ambas-sades ou des conciles, etudiaient le droit k Bologne ou s’adonnaient a des activites commerciales. L’education du jeune roi Alphonse V du Portugal fut confiee par son tuteur a 1’Italien Mateus Pisano. Et tandis que Jean II du Portugal (1481-1495) engageait comme precepteur pour son fils illegitime Vhumanistę Cataldo Siculo, la cour de Castille accueillait Lucio Marineo Siculo et Piętro Martir d’Anghiera. Les rois d’Aragon avaient depuis longtemps donnę le ton en s’installant a Naples et en s’entourant d’artistes et d’humanistes.
L’histoire de Fapprentissage de tous ceux qui quittaient F ecole apres Fetude des premieres lettres est egalement un domaine peu etu-die. Les statuts des corporations - en Aragon et au Portugal - ou des confreries de metiers - en Castille - ne donnent que peu d’informa-tions sur la formation des futurs ouvriers et maitres. L’apprentissage commenęait a 1’age de douze ans environ et, dans le royaume dragon, faisait Fobjet d’un contrat avec le maitre qui s’engageait k loger, nourrir et elever 1’enfant en meme temps qu’il lui enseignait le metier. L’apprentissage dćbouchait, au bout de quatre ans, sur Fentree dans la vie active comme ouvrier, ćtape qui devait conduire, grace a un examen, a la maitrise. Les fueros ou textes legaux promul-gues par Jacques Ier d’Aragon au milieu du XIIIe siecle definirent les obligations du maitre et lui reconnurent le droit de chatier un apprenti qui 1’aurait vo!6 ou injurić.