13 Comptes rendus 211
de 10QO pages, consacrć k la R6volution Fianęaiie, a reęu sa formę definitivc cn 1915. Mais — ainsi qu*on peut le voir dans la chronologie auexee par 1'ćditeur —r Kazazis ćtudiait ce .sujet dós 1881avecune persćverance quitouche& Tobsession. Pourla prćsente ćdition, Mme. Argyro-poulcs a choisi la VIe partie du texte manuscrit, intitulee o Bilan de la Rćvolution *, qui est autonome par son contenu et substantielle par ses conclusions. Les autres partics, dont on nous donnę le sommaire, traitent de Thistcire p r oprę men t-dilc de la Re/clution Franęaise, depuis la convocation des 6tats gćnćraux jusqu*au Directoire.
L*lniroduction de 1’ćditeur — que nous prenons pour guide dans ce qui suit — est *iue eycelleute analyse de la personnalitć de N. Kazazis et de sa fomiatiou intellectuelle, ainsi que de ses /ues en tant qu,historien de la Rćvolution Franęaise, k laquelle il accorde k juste titre uu role esseutiel dans le destin de Thumanitó.
Professeur de philosophie du droit et d’economie politique a FUni/ersitó d*Athónes, grand patriotę et partisan passionnó de la « Megali Idea » et des problemes ethniques de THellćnisme, N, Kazazis est surtout un grand ćruclit et un penseur profond et original. Ses ćtudes k 1’ćtranger <5t ses voyages scientifiques lui ont permis de connaitre k fond la culture contemporaine alle-mande et frai ęaise. Quoique philosophe et ćconomiste, il a toujours en vue, dans ses ouvrages, Ja method h\slorique, en móme temps qu’une approche psychologiqne des phćucmónes. En 1906, il fondait k Paris La ligue franęaise pour la dćfeuse des droits de 1'Helleni.sine. Quelques annóes auparavaut en 1902, cn tant que recteur, Kazazis parlait du role que l'Universitó d*Ath&nes de/ait assumer en fa/eur de Tldee hellfcnique. II Stait sćnateur, en 1910, et ćcrivait un livre <le critique du parlementarisme grec. En 1921, il fondait une Socićtć Politique des lćgalistes. Kous voyons donc cet intellectuel engage, fonciórement antitotalitariste et partisan convaincu de 1'indi/idualisme, dćnonęant dans les annćes trente le communisme et dćplorant la montće du fascisme. Tn 1928 il avait eu ce mot prophćtique: o L/ancien militarisme parait sous la formę •de la dictature ipilitaire, du fascisme, du bolchćvisme, de la dictature demagogique. »
II nous semble que Hntćrót du Bilan de la Rśvolution Franęaise reside tout spćcialcment . dans ce point de vue forgć au XIXe siacie sous la triple influence du hćgćlianisme, du libóra-lisme et de r6volutionnisme de Darwin. Ce qui plus est, c’est le point de vue d’un intellectuel des BalkauS, tr&s familiarisć k Thistoire et k la culture europćennes mais aussi profondćment aucró dans les problemes de 1’unification du peuple grec. Son esprit de synth&se lui permet d*imprimer ure notę personnelle k ses ćcrits. C*est ce qui fait de son ouvrage sur la R6volution Franęaise une contribution originale. Ainsi que nous allons le voir, il ne se scnt jamais obligć d’accepter teIJe ou telle conception historique dans sa totalitć, sans esprit critique.
Tachons de dćtacher, k Taide de Tćtude introductive, les principales directions de Cette analyse de la Rćvolution: Les debuts de Tesprit rćvolutionnaire en Europę occidentale, d6s le Moyen-Age; les facteurs politiques, ćconomiques et sociaux de Thistoire de France; Tidćologie franęaise prer6volutionnaire, qu*il juge determinantę pour la prćparation de la R6volution, la continuitó et la discontinuitć de la Rćvolution; rexplication psychologique du comportement des groupes scciaux; les prolongements politiques et idćologiques de la R6volution au XIX-e s., en Europę.
En ce qui concerne les premisses 6conomiques et sociales des 6v6nements rćvolutionnaires, elles ne se reduisent pas, pour Kazazis, au conflit entre le capital et le travail, ćtant dues k diffć-rents facteurs sociaux et politiques: Tancien rćgime de la monarchie, Tćglise, la noblesse. Aussi rejette-t-il les explications de Louis Blanc et, en gćnćral, des reprćsentants de la conception socialiste de Thistoire. II accorde, certes, au facteur 6conomique le róle qu*il a jouć dans l’expli-cation generale des phónomónes sociaux. En ce qui concerne le Tiers Etat en tant que porteur des idóes r6volutionnaires, il partage la conviction de J. Jaurós, mais cela ne Temp^che pas de le combattre lorsque Jaurós pousse trop loin son point de vue prolćtarien. Le penseur grec tient a preciser dans ce sens que Jaurós «a caracterisó la Rćvolution Franęaise comme ayant preparć directement l apparition et la decouverte du proletariat, mais en rćalitć ce fut la politique de la classe moyenne, de la soci£t6 civile. »
Un róle majeur est attribuó par Kazazis k Videologie prśr6volutionnaire, aux intellec-tuels franęais du 18° siacie, qui ont reveill6 la conscience des peuples, en renversant — dit-il — o les temples et les trónes » et en dócouvrant «le nouveau droit de Thistoire ». Sur ce point — malgrć sou hćgćlianisme — il se dćtache de Hegel, car pour ce dernier, le róle des idćes est postó-rieur aux evćnements róvolutionnaires. II trouve que le prólude de la pensóe rćvolutionnaire devient sensible chez Montesquieu, Yoltaire et Rousseau, dont il ćtudie 1’influence sur les pro-tagonistes de 1789. Voltaire est, selon lui, «le v6ritable roi du XVIIIe siacie *. C*est aussi k sa pensóe politique qu*il doit son admiration pour la civilisation anglaise. Quant k Rousseau, «il a rćgne sur le XVIIIC siacie par son esprit et par son intelligence. » Pourtant il a aussi eu une influence nćgative, par ses thóories sur la socićtć, sur Tinćgalitć, le contrat social, suriout en ce qui concerne la politique de Robespierre et de Saint-Just. C’est pourquoi il les rend respon--sables des erreurs des Jacobins apr^s 1793, de la faillite de 1’action revolutionnaire et de la pró-