C’est la probablement aussi la raison pour laquelle Bossuet — qui recon-naissait chez les princes le droit de contrainte — n’a pas defere aux prieres de Neercassel et n’est pas intervenu aupres du roi pour adoucir les decrets contrę les protestants. Q’aurait ete peine perdue. Tout ce qu’il pouvait faire, c’etait veiller a ce que dans son propre diocese il n’y eut pas d’exces dans l’execution des decrets 225).
Pourtant il y a plus. Bossuet admirait les talents de controversiste d'Amauld. II se felicitait „d’avoir ete defendu par cet homme qui defend l’Eglise avec tant de żele et tant d’inlassable travail” 226). Mais avec ses grands talents, Arnauld „etait inexcusable d’avoir tourne toutes ses etudes
...... pour persuader le monde que la doctrine de Jansenius n’avait pas ete
condamnee”. M. de Meaux n’aimait pas ce „fauteur d’heretique”, ce „schismatique”, qui voulait tout decider dans 1’Eglise. II l’a dit expressement quelques annees avant sa mort 227). Mais son „verumtamen” sur 1’auteur janseniste ne datait pas seulement de la fin de sa vie. II ne l’a jamais aime, et s’est toujours enferme a son egard dans un silence significatif que les instances de Neercassel n’ont pu lui faire rompre. Plus droit qu’Arnauld, qui a cette occasion a compose pour parvenir a ses fins, Bossuet l’a em-porte sur lui. L’influence que le Vicaire apostolique de Hollande a exercee sur le refugie franęais, parait avoir ete assez grandę pour decider celui-ci, malgre sa resistance, non seulement a prendre la defense des ouvrages de Bossuet, mais aussi a remplir 1’autre souhait de M. de Meaux, qui etait de refuter le systeme de Malebranche. On obtint ainsi le double profit d’oc-cuper Arnauld sur un terrain ou, d’embarrassant qu’il etait, il deviendrait utile, et ferait „la police de 1’Eglise”, bien loin de l’inquieter 228).
DEUX AMES SOEURS.
Ce resultat cadre tres bien avec le caractere generał de toute cette correspondance, inspiree d’un bout a 1’autre par la sollicitude de deux pretres fervents pour le salut des ames et le sort de 1'Eglise. C’est la manifestation de deux ames soeurs, devorees egalement par leur amour de Dieu et par le desir constant de s’echapper vers les hauteurs infinies de la vie divine. Elle n’a rien de compromettant ni pour l’un ni pour 1’autre. Cela vaut aussi pour les louanges prodigues par Bossuet a YAmor Poeni-tens que son ami hollandais lui avait envoye le 27 mars 1683 229). L’auteur y a invite „ses freres, esclaves comme lui” a suivre ,,1’etroit sentier du
225) Cf. L. Crousle, Bossuet et le protestantisme, p. XII-XIV; Dictionnaire de thiologie catholiąue, t. II, p. 1068.
226) Lettre a Neercassel du 23 juin 1683, Correspondance, t. II, p. 384.
227) Journal de Ledieu, t. II, p. 31, 37.
228) Sainte-Beuve, Port-Royal, t. V, p. 376.
22«) Correspondance, t. II, p. 363.
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