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Indubitablement le colon domine cette situation ce qui fait penser plutót au paradigme des relations «maitre-esclave» qu’a un rapprochement des races. Tous les deux font preuve de ruse en concluant ce marche; Lavieux plus mefiant a 1’ćgard du caid, veut remettre a plus tard leur conversation; pour y reflechir, Ahmed; vigilant et adroit, aimerait «plu-mer» au maximum son «ami». Au cours de ces tractations, Jos prononce cette phrase en speculant sur le prix des cereales : «L’Arabe est incapable de vivre sans dette. II nous est ordonne de lui laire du bien»,"5 donc de preter de 1’argent avec de gros interets. Ce propos de Lavieux montre la force du stereotype fonctionnant dans l’univcrs colonial; d’ailleurs les evenements qui suivront leur conversation confirmeront la mefiance de Kaddour vis-a-vis du caid : juste apres 1’agonie de Jos :
II quitte avec lenteur la piece, drape dans ses burnous aux plis dramatiques, hele des gens couches sous un hangar, donnę des ordres et revient au moment ou Claudia, la main sous le traversin, palpe le portefeuille cache par le colon. Le sourire aux levres, il ecarte doucement la jeune femme, etend une couverture sur le corps, prend le portefeuille, etale sur la table les billets de banque qu’il enferme, en pousse la moitie vers sa compagne, plie gravement et empoche 1’autre moitie. Sans mot dire, Claudia ramasse sa part.116
La figurę «chafouine» stigmatisait donc ce personnage en relevant rindechiffrable naturę de 1’Arabe; ainsi, Randau a-t-il construit ce personnage puisant a volonte dans le stereotype. On n’accorde pas a 1’indigene le droit de determiner son identite alors que le colon en la personne de Jos Lavieux dit:
Je ne suis ni un marchand anglais ni un soldat allemand [...]. Je suis un Africain: je cree moi-meme ma justice; je ne suis ni un faineant d’Arabe, ni un chien de Maltais, je suis un colon.117
En regardant 1’Autre, en rejetant son identite, le colon Lavieux s’auto-dćtermine, mais la condition necessaire et fondamentale pour le faire est la comparaison avec 1’Autre. Kaddour est conscient de son identite a la fin de sa vie, Rafael de Bertrand l’a appris en etant confronte avec ses parents dans le pays de ses ancetres.
Mohammed le cavalier qui accompagne la familie de Kaddour chez le caid se prend pour un homme de l’ouest, pendant la route il rencontre le fellah ou plutót le forgeron Abd el Ouahab qui
1.5 Ibid.
1.6 Ibid., p. 296.
1.7 Ibid., p. 294.