162 Aiumaire de ia Coramission du droit International, 1975, vol. II
relative aux dispositions transitoires du Traite instituant la Communaute europeenne du charbon et de Facier, cite au paragraphe precćdent. Pour sa part, Vignes y voit une « disposition cxplicative et incitatwc603 ».
Cet « element d’incitation » est pris plus au sćrieux par lc manuel sovićtique dc droit international, suivant leąuel
le libcllć assez obscur de Particie 234 nc pcut cn cachcr lc sens rćcl, qui fait a tout Etat partie au traite 1'obligation de refuser aux pays tiers, en dćpit meme d’accords prćalables, les privilćgcs dont jouissent les membres du bloc communautaire *04.
Un autcur franęais, Thićbaud Flory, adopte une optiąue diflćrentc :
Comment les Etats membres de la CEE [Communautć ćcono-mique curopćcnnej peuvent-ils concilier les engagements qui decoulent pour eux de la signature du Traite de Romę avcc les obli-gations qu’ils avaient prćcedcmment contractćes cn signant des accords multilateraux tels que le GATT ? Aux termes de 1’article 234 du Traitć dc Romę, c’cst lc principe de la fidelite aux engagements antćrieurement conclus qui doit prćvaloir. En soumettant lc Traitć dc Romę & l'cxamcn du GATT ct cn se montrant conciliant a 1’ćgard des parties contractantes, les Six ont rcspcctć cc principe 806.
Bień que contradictoires k premierę vuc, les deux der-nieres opinions citćes ne sont pas inconciliablcs : le manuel sovietique retient Felement « d’incitation » de la disposition considerec; 1’auteur franęais estime qu’il dćcoulc de Particie 234, pris dans son ensemble, que les parties contractantes reconnaissent implicitement la validitć dc leurs engagements antćricurs.
57) Une autre argumentation fait etat du changement de circonstances crćć par la formation d’une union douaniere ou d’un aulrc typc d’association d’Etats. Lk encore, il semble impossible de soutenir que, cn 1’absencc d’une union politiquc entre les participants, le changement de circonstances du fait de Punc des parties doit justificr implicitement une modification. En effet, la regle generale est quc lc changement de circonstances volontairement et unilateralement apportć par 1’unc des parties au traitć nc suffit pas pour quc les effets de ce changement de circonstances soicnt rcconnus 606. Comme l’a dit un auteur :
[...] a supposcr mćmc quc la crćation d’un systćme preferentiel multilatćral constitue un changement fondamental des circonstances, ct quc lc changement n’ait pas ćtć cnvisagć par les parties au traite stipulant lc traitement dc la nation la plus favorisće, la « clausula » ne saurait jouer : clle nc pcut fitre invoquee par un Etat des lors que le changement de circonstances est son fait (v. J. Lecą, Les fechniąues de revision des conventions multilaterales, notamment p. 312). Or, il nc tcnail qu’fc TEtat concćdant dc nc pas adhćrcr k 1’accord multilatćral instituant le systćme preferentielW7.
58) La CIJ a recemment examine a nouveau les condi-tions neccssaircs a la crćation d’unc rćglc coutumićre de droit international. Dans son arret conccrnant les affaires du plateau Continental de la mer du Nord, la Cour a aflirmć que des regles purcment conventionnelles ou
808 Vigncs, loc. cif., p. 293.
804 Institut d’Etat du droit dc 1’Acadćmie des scicnces de 1’Union sovietiquc, op. cif., p. 269.
881 Flory, op. cif., p. 124.
808 Hay, loc. cif., p. 681 et 682.
807 Sauvignon, op. cif., p. 254, notę 2.
contractuelles a Poriginc pourraient etre integrćes a Pensemble du droit international et etre acceptćes a ce titre par Popinio juris, de telle sorte que dćsormais elles s’imposeraient meme aux pays qui ne sont pas et n’ont jamais ćtć parties a la convention cn question. Selon la Cour, ccttc situation est du domainc des possibilitćs, et elle se presente de temps a autre. Mais on ne considere pas facilement ce rćsultat comme atteint 608. Toujours selon la Cour, pour la formation d’une regle nouvelle dc droit international coutumicr k partir d’unc regle pure-ment convcntionnelle k Foriginc,
il dcmcurc indispensable que [...) la pratique des Etats, y compris ceux qui sont particulićrcmcnt intćressćs, ait ćtć frćqucntc ct prati-quement uniformc dans lc sens de la disposition invoqućc et sc soit manifcstće de maniere a etablir unc reconnaissance generale du fait qu’unc rćglc dc droit ou une obligation juridiquc est cn jcu 80 •.
Quant aux conditions a remplir par la pratiquc des Etats, la Cour estime qu’cllc doit etre «constante» ct qu’en outre les actes considćrćs doivent
temoigner, par [...1 la maniere dont ils sont accomplis, dc la conviction que cette pratiquc est rendue obligatoire par l’existcnce d’une regle de droit. La nćccssitć dc parcille conviction, c’est-a-dire l’cxistcnce d’un element subjectif, est implicite dans la notion meme d'opinio juris sive necessitatis. Les Etats intćressćs doivcnt donc avoir lc sentiment de se conformer ć ce qui ćquivaut a une obligation juridique. Ni la frequcncc ni mćme le caractćre habitucl des actcs ne suffisent [...]•w
59) De Pavis du Rapporteur special, la regle coutumićre presumee selon laqucllc il y aurait unc cxccption implicite cn faveur des unions douanićrcs (ct moins encore s’agissant d’exceptions pour dłautres types de groupe-ments) est loin de remplir les conditions ćnoncćes plus haut. Pour rester dans 1’ordre des problćmes intćrcssant la Communaute economiquc europeenne, laqucllc reposc sur une union douaniere (arf. 9 du Traite de Romę), il apparait elairement que les fondateurs dc la Communautć, non seulement ne słen sont pas tenus a Pexistence d’une regle etablissant une exccption en favcur des unions douanićrcs, mais ont au contraire abordć « la question des traitćs conclus par les Etats membres avec des pays tiers avant la crćation dc la Communautć cn se plaęant au point de vue des regles regissant Papplication de traitćs succcssifs portant sur la meme matićre (article 30 dc la Convention de Vienne)6U. Dans ces conditions, il est difficilc d’attacher bcaucoup de poids au memoire ofiiciel ćtabli en 1957 par lc Gouvernement dc la Rćpu-blique fćderale d’Allemagne de Fepoque : invoquant, dans les cxplications qu’il a prćsentćcs au Parlement, Pexception de Punion douaniere, il a interprete Particie 234 du Traitć de Romę comme signifiant quc les six Etats membres ćtaient convenus que la clause de la nation la plus favorisće ne s’appliquerait pas aux avan-tages decoulant dc la Communautć612. On ne pcut pas
008 C.I.J. Recueil 1969, p. 42.
809 Ibid., p. 44.
810 Ibid., p. 45.
811 Voir ci-dcssus par. 54.
818 Voir Verhandlung des Deutschen Bundestages, 2. Wahlperiode 1953 : Anlagen zu den stenographischen Berichten, Bonn, 1957, vol. 51, fasc. 3440, p. 157. Voir aussi les remarques de E. T. Usenko dans : Institut d’Etat du droit dc TAcademie des Sciences de PUnion sovietique, op. cif., p. 268.