CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE 583
par des renseignements complementaires, les indications d’un message publicitaire doivent etre appreciees en elles-meme lorsqu’elies ont ete rendues publiques ». II faut donc que tous les elements entrant dans la decision du client figurent dans le docu-ment publicitaire. Ainsi cet arret pousse tres loin la protection du consommateur. II y met meme un accent social en approuvant Parret d’appel qui parlait « d’investisseurs aux moyens modestes, dont la situation peut etre compromise par des engagements presentes fallacieusement » (V. deja de faęon voisine Trib. corr. Paris, 15 avr. 1985, Rev. trim. dr. com. 1985. 823, obs. Bouzat, decision parlant « de personnes de condi-tion modeste particulierement vulnerables »).
A vrai dire la solution n’etonnera pas. Le silence en publicite justifie la poursuite des lors qu’il est de naturę a induire en erreur. On savait deja que le delit est consomme lorsque Pannonceur, dans un placard publicitaire, omet de mentionner des clauses ou enonciations fondamentales du contrat de vente propose et qu’il resulte de ces omissions une exageration des avantages annonces. Par exemple, un annonceur ne peut impunement vanter les performances d’un appareil medical en omettant d’indi-quer que ces performances ne sont pas celles de 1’appareil de base, mais celles d’un materiel a acquerir en option (Crim. 26 janv. 1988, Buli crim. n° 39, Rev. trim. dr. com. 1988. 724, obs. Bouzat).
Ce qui en Pespece est original, c’est qu’il appartenait au consommateur de s’informer a titre complementaire (il y etait meme invite par 1’encart, qui comportait un volet detachable a envoyer a une adresse qui y figurait). Or le consommateur moyen, ont pense les juges, meme sans le dire, ne pousse pas les investigations au dela de ce qu’il lit. Et, selon une circulaire d’app!ication du ministere de la Justice du l«f octobre 1974, « Pappreciation doit etre faite au regard de la psychologie du consommateur moyen » (D. 1975. L. 52).
Les infractions aux dispositions de la loi du 3 juillet 1985 relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interpretes, des producteurs de phonogrammes et de videogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle peuvent, selon 1’article 53 de cette loi, etre prouvees soit par proces-verbal des officiers ou agents de la police judiciaire, soit par les constatations d’agents assermentees designes par le Centre national de la cinematographie.
Des poursuites penales ayant ete lancees pour contrefaęon et pratique concurrentielle illicite contrę des personnes qui avaient fait teledifluser, dans le cadre d’une « tele-vision pirate », des films cinematographiques sans Pautorisation des titulaires des droits afferents a ces oeuvres de Pesprit, les juges du fond avaient prononce la relaxe en se fondant sur le fait que les seules preuves alleguees etaient des attestations et constats d’huissier. Et, ajoutaient-ils, ces preuves ne satisfaisaient pas aux exigences de Particie 53 precite, qui deroge au principe generał de Particie 427 du codę de procedurę pe-nale selon Iequel « les infractions peuvent etre etablies par tout modę de preuve ».
Par arret du 5 septembre 1989, la Chambre criminelle casse cette decision. Pour elle, en effet, Particie 427 est applicable : des modes de preuve autres que ceux qu’enumere Particie 53, comme des attestations et constats d’huissier, sont admis-sibles. En somme le fait qu’un texte particulier prevoie des modes particuliers de preuve n’empeche pas le juge de se fonder sur tout modę de preuve, en application de Particie 427. Un modę special de preuve legalement prevu n’exclut pas Papplication du principe generał que toute preuve est admissible. Le droit de la preuve ne fait pas sień Padage connu en droit de fond selon lequel specialia generalibus derogant. Cette preeminence de Particie 427 est d’ailleurs de regle. Aussi, bien que Particie L. ler-IIl du codę de la route prescrive certains modes de preuve en matiere d’alcool au volant, rien n’interdit de faire appel a d’autres moyens de conviction (Crim. 24 janv. 1973, D. 1973. 241, rapport E. Robert).
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990