CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE 559
dans le texte legislatif, la seconde dans le texte reglementaire, la cour d’appel a es-time que le pardon institue par la loi d’amnistie de 1988 ne pouvait pas etre refuse au sieur P. En d’autres termes, et par une interpretation litterale des dispositions legałeś, elle a considere qu’en visant « les infractions prevues ... par les textes pris pour 1’application de Pordonnance de 1986... », la loi d’amnistie ne pouvait designer que des faits contraventionne!s dont la normę et la sanction etaient, tout ensemble, inse-rees dans le decret du 29 decembre 1986, ce qui n’etait pas le cas pour les ventes avec primes.
Cette solution, on le remarquera, a une valeur generale, car elle est applicable a toutes les infractions dont Pincrimination et la sanction sont ecartelees entre Pordonnance du l*r decembre 1986 et le decret du 29 decembre : ainsi du refus de vendre a des consommateurs, de Pomission de communiquer a des revendeurs les ba-remes de prix et les conditions de vente, ou encore de la vente de produits ou de la proposition de services avec utilisation irreguliere du domaine public (respectivement : art. 30, 33 et 37, ord. 1986). Si le legislateur avait entendu ecarter de Pamnistie la vente avec primes et ces diverses contraventions, il lui aurait suflfi de viser les articles 29, 30, 33 et 37 dans la listę des exclusions inscrites a Particie 29-12° de la loi de 1988 : en se servant d’une formulation imparfaite (« les infractions prevues par les textes pris pour Papplication de Pordonnance de 1986 »), il a manque son but et fait naitre un contentieux qui aurait pu et du etre evite.
Par un arret du 4 janvier 1990 (Droit pśnal, mars 1990, n° 112), la Chambre cri-minelle vient de decider que la procedurę du relevement instituee par la loi du 29 decembre 1972 (art. 55-1 et 473 c. pen. ; art. 703 et 775-1 c. pr. pen.) ne peut pas etre utilisee pour faire disparaitre une sanction disciplinaire frappant un oflicier minis-teriel et prononcee contrę lui par une instance disciplinaire. Cette decision ajoute une nouvelle pierre a la jurisprudence par laquelle la Cour de cassation s’efTorce de baliser les limites d’application de Pinstitution du relevement ; elle revet une importance d’autant plus significative qu’elle a ete prise sur le pourvoi formę par le procureur generał pres cette Cour, agissant d’ordre du Gardę des Sceaux.
Les circonstances de Paffaire etaient fort simples. Une damę exeręant la profession de notaire s’etait rendue coupable d’abus de confiance et, en 1984, elle avait ete des-tituee de sa charge par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, statuant en matiere disciplinaire. Comparaissant ulterieurement devant le tribunal correctionnel de Digne (sans doute le ou les detoumements constitutifs d’abus de confiance avaient-ils ete commis hors le cadre de la fonction notariale, ce qui excluait Papplication de la circonstance aggravante de Particie 408, alinea 5, du codę penal, qui aurait conduit la coupable en cour d’assises), Pinteressee fut condamnee le 6 octobre 1988, par un jugement de-venu definitif, a dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis. Par la meme decision, les juges correctionnels declaraient que la mention de la condamnation penale serait exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire, et que d’autre part la coupable etait rele-vee de Pincapacite d’exercer la profession de notaire resultant de la destitution prononcee par la cour d’appel.
Situation tout a fait extraordinaire, le jugement correctionnel reunissait ainsi, en une meme decision, les deux techniques du relevement : le relevement instantane, realise ici sous la formę particulierement simple et efficace de Pexclusion de Pinscription au bulletin n° 2, et le relevement differe, visant la destitution prononcee quatre ans aupa-ravant par la cour d’appel. On voit assez bien ce qui avait pu conduire les magistrats de Digne a user cumulativement de ces deux aspects du pardon qu’ofTre la loi : ils avaient du penser qu’en se bomant a user du relevement instantane leur decision aurait laisse intacte la sanction disciplinaire prononcee anterieurement, laquelle aurait frappe d’une infirmite partieile la decision de non-inscription au bulletin n° 2, alors
Rev. sciencecrim. (3), juill.-sept. 1990