CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE 585
La Chambre criminelle n’est pas entree dans ces types de raisonnement.
S’il est vrai que, dans Pun des arrets du 14 novembre 1989 (aff.Amelineau) etParret du 6 juin 1990, elle corrige une erreur d’analyse du juge du fond, en rappelant que, « si la cour d’appel a considere a tort que lesdites mesures constituent des sanctions penales alors que, destinees a faire cesser une situation illicite, elles ont un caractere reel » (V. notre precedente chroń., cette Renie, 1990.103, n° 2), elle ne censure pas pour autant les arrets attaques, car elle se situe a un autre niveau de justification.
En realite, sans le dire expressement, la Chambre criminelle se borne a appliquer dans ces especes sa jurisprudence traditionnelle a propos de la determination du champ d’application d’une loi d’amnistie.
Les lois d’amnistie sont des lois d’exception, et a ce titre sont d’interpretation stricte.
L’article 2-1° de la loi du 20 juillet 1988, ne prevoyant Pamnistie que des delits pour lesquels « seule une amende est encourue », des lors qu’une autre mesure a caractere reel peut etre prononcee par le juge, la construction sans permis echappe au domaine d’application de cette disposition.
Cette position est certes empreinte de rigueur juridique dans la mesure ou, comme nous Pavons rappele plus haut, les lois d’amnistie sont d’interpretation stricte et que la Haute juridiction procede toujours par economie de motifs.
Neanmoins cette analyse assez abrupte est peut-etre revelatrice de deux aspects. D’une part, Pembarras de la qualification de ces « mesures a caractere reel destinees a faire cesser une situation illicite », qui constituent une categorie nouvelle sui generis, ni penale, ni civile. D’autre part, peut-etre aussi Pespece d’allergie epidermique que suscitent de plus en plus chez les magistrats des lois d’amnistie, notamment quand elles vont trop loin !
L’airet Guerci du 19 decembre 1989 (prec.) presente son interet majeur dans les exigences qu’il impose aux juges du fond quant a la qualification exacte des faits objet de la poursuite et les caracteristiques techniques qu’il leur demande de contróler.
Pour n’avoir pas ete suffisamment rigoureux sur ces deux aspects, Parret de la Cour de Lyon du 14 decembre 1988 fut casse.
Le prevenu ayant acquis un « grenier », y avait fait installer le chauffage central et une salle de bains et Pavait utilise pour Phabitation. Les premiers juges l’avaient de-clare coupable, en vertu des articles L. 421-1 et L. 480-4 du codę de Purbanisme, ainsi que de Particie L. 160-1 du nieme codę, d’avoir procede a un tel changement en infraction aux regles du plan d'occupation des sols de la commune.
La cour d’appel avait confirme le jugement en retenant la culpabilite du prevenu pour deux infractions distinctes : la violation des dispositions d’un POS prevue par 1’article L. 160-1, et la realisation de travaux sur des constructions existantes lorsqu’ils ont pour effet d’en changer la destination sans Pobtention prealable d’un permis de construire, prevue par Particie L. 421-1, alinea 2, du codę de Purbanisme.
Or la citation initiale ne visait pas la vioIation des dispositions d’un POS, dont les elements constitutifs sont differents de ceux du delit prevu par Particie L. 421-1, alinea 2.
La censure etait donc inevitable.
Elle fut prononcee apres le rappel du principe : « La cour d’appel ne pouvait confirmer la declaration de culpabilite prononcee par les premiers juges pour une infraction aux regles d’occupation des sols, dont les elements constitutifs sont differents de ceux de Pinfraction resultant de Pexecution des travaux sans permis de construire, alors qu’elle ne constatait pas que le prevenu avait formellement accepte d’etre juge sur un delit non vise par la citation ».
Re*, science crim. (3), juill.-sept. 1990