CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE 577
2°) « Que, sauf disposition contraire expresse, une loi nouvelle qui abroge une in-crimination s’applique aux faits commis avant son entree en vigueur et non encore definitivement juges ».
Les faits de la cause etaient les suivants : un nomme O. avait ete condamne pour avoir sciemment recele quatre camions et quatre remorques qui lui avaient ete don-nes, en reglement preferentiel de sa creance au prejudice de la masse par C., com-meręant en etat de cessation de paiements, lequel avait ainsi commis le delit de ban-queroute simple prevu par Particie 128-6 de la loi du 13 juillet 1967. La Cour constate que ce texte a ete abroge, a compter du 1" janvier 1986, par Particie 238 de la loi du 25 janvier 1985 lequel ne contient aucune incrimination applicable a 1’acte commis par C. En consequence, en Pabsence d’infraction originaire, le delit de recel n’est pas legalement constitue. Et, la Cour supremę casse Parret de la cour de Grenoble du 6 decembre 1985 qui avait, lui, prononce condamnation.
La raisonnement juridique est justifie et tout a fait imparable. On peut regretter ce-pendant que, par suitę de Pabrogation du fait principal, le recel, qui peut manifester un etat particulierement dangereux, ne soit pas punissable. Pour qu’il le soit, il fau-drait faire du recel de choses un delit distinct, ce qui parait tres difficile ou encore edicter une disposition speciale prevoyant le cas d’abrogation du fait principal par le jeu de la retroactivite in mitius, ce qui n’est peut-etre pas tres facile a faire admettre par le legislateur.
Nous avons souvent releve dans cette chronique (V. cette Revue, 1984.91 ; 1986.618 ; 1987.437 et 1988.799) que d’apres Particie 66 du dćcret-loi du 30 octobre 1935 (redaction loi du 3 janv. 1975) pour que Pemission de cheques sans provision soit punissable, il faut que soit etablie l’existence de Pintention de porter atteinte aux droits d’autrui. Cette nouvelle formule a donnę lieu a bien des interpretations et des craintes. II semble que la jurisprudence soit maintenant bien orientee dans le sens d’une interpretation se contentant d’un dolus generalis. C’est ce que montre un arret de la Chambre criminelle du 22 mai 1989 (J.C.P. 1989. IV. 295) qui declare : « En enonęant que le prevenu avait conscience au moment de Pemission du cheque que celui-ci ne serait pas paye lors de sa presentation et qu’en agissant ainsi il avait alors Pintention de porter atteinte aux droits d’autrui, la cour d’appel, qui apprecie souve-rainement Pexistence de Pintention au regard des elements de fait contradictoirement debattus, justifie sa decision de retenir la culpabilite de Pinteresse du fait d’emission de cheques sans provision ».
II arrive que des publicitaires particulierement adroits arrivent a toumer les iois sur les loteries. C’est ainsi qu’un arret de la Chambre criminelle du 21 novembre 1989 (inedit), declare : « Ne constitue par une loterie prohibee par la loi du 21 mai 1836 le fait d’exiger du consommateur, pour avoir connaissance du lot attribue par le tirage au sort, un sacrifice financier correspondant aux frais d’envoi en timbres pour une valeur de 11 F, des lors que ce sacrifice financier n’etait pas consenti par le participant en contrepartie de PofTre qui lui etait faite et n’avait d’autre effet que de lui permettre d’entrer en possession de ce qui n’etait qu’une liberalite ». En effet, releve la Chambre criminelle, la cour de Douai avait eu raison de declarer le 22 juin 1988 (inedit) « que le client, en Pabsence de commande, avait la faculte soit de se manifester par tele-phone, soit de retoumer son titre gagnant en y joignant une somme de 11 F en timbres pour frais de misę a disposition du lot ». En resume, « la participation du Client au cout de Pexpedition ne conferait pas en Pespece un caractere onereux a 1’operation ».
Rev. science crim. (3), juill.-scpt. 1990