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U a cu le inalheur de n*ćcrire (|u*au jour le jour, dans des fctiillcs qui eurent un vif succes d'actualitć, niais dont la coinpilation devait rapidement devenir inahordablc autant par sa masse mćme quc par sa raretć.
Cependant les erudits ct les chercheurs patients qui, par simple curiositć, par besoin d’information, par syinpathie ou nieme par desir de polćmique. se sont penches sur cette ininiensc collection dc prćs de 200 Yoluines, en onł toujours rapportó, quels qne fussent au depart leurs prćjugćs, des cxtraits devant lesquels ils n’ont pas pu taire leur admiration.
Charles Nisard, Sainte - Bcuve, Jules Soury eux-niemes, tous trois pourtant ennemis dćcides de Frćron, ont du tantót lui reconnaltre un gout sór, tantót de la finesse et dc 1’esprit, tantót menie « une heure > de vrai talent.
Et il serait ćtrange, cn efTet, qu’il n'ait eu ricn de tout cela, et qu’il eut cependant fait tellcment impres-sion a Voltairp, qu’a Ferneyla main tremblait au vieil-lard quand il lisail les feuilles dc son terrible adver-sairc.
« Une heure » de talent ! Sainte-Beuve ne lui en a trouve qu’une ! Yoltaire lui en trouvait bien davan-tage. Mais il lisail ses feuilles, tandis que 1’auteur des Lun dis avouait que sa collection de IMnnćr litternire gisait inutile, dans la poussiere inviolće d’un rayon de son grenier... .
En realite, quand, b la lumióre des documcnts contcmporains, on expIorc avec attention ces ćpavcs d’un grand naufrage, on^st ćtonnć d’en rnmener un bulin si riche de puges maltresses, de chefs-dVruvrc d’esprit ct d’ironie, de jugciuents littćraires dont la justesse et le sens anticipateur n’ont etć que conflr-mes par le temps. •
Toute une histoire litteraire vivante, anccdotiquc ct
ćritiquc, avcc scs passions, scs luttes, ses ridicules, scs illusions, ses erręurs, surgit de ces profondeurs oublićcs, le tout avec cette notę personnelle, cette vi-bration intinie de J’auteur qui, non seulement a gotitć, juge, admirć ou condamnć les cruvres et tes hommes de son tcmps, mais qui a soułTert d'avoir assumć ct exerce avec rindćpendunce incorruptible qui convient u un juge. une magistrature dćlicate et difTicile surles justiciables los plus susceptibles ct les plus intolerants.
II y a quelques annćes, en 1870. a 1’occasion du cen-tenaire de la niort de Frćron, Charles Barthć)ćniv a livre au public quelques pićccs de ce trćsor. Trop fragmcntaires, reduits trop souvent aux seuls contours de rćpigramnie ou de la pensće sailluntes du inor-ceau, sans lien avec 1’ćpisode litteraire qui en fut l’oc-caslon, et avec les rćactions qu’ils provoquerent, ces extraits airirment puissamment la vigueur. la Ilnessc et Toriginalite du talent de Frćron. Mais le tableau d’une epoquc littćrairc, cette intcnsitć de vie d’un inilieu agite, ce conflit violent de doctrines et de passions, ils ne les restituent pas.
Aujourdhui quc 1’histoire dc Frćron est mieux connue, qu’on a pu « situer > pour ainsi dire chacun de ses articles, cette rcstitution dcvient possible.
• Et, possible, elle lui cst due.
Nous l’avons tentee. Les Pages suivantes, consa-crees spćcialement aux luttes avec Yoltaire, diront ce qu’elle sera. Nous avons conflance qu’elle nc trabira pas la grandę mćmoire qu'cllc veut servir.
Jules Soury a dit que rimmortalitć de Frćron ne tient qu’a celle de Voltaire. On vcrra peut-ćtre que Frćron est capable de porter tout seul, spr ses larges ćpaules d’atblćte breton, le poids d‘une celćbritć qui nc devrait rien qu’ii ses a*uvres et A son talent.
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