des ideologies meutrieres, des sectarismes politiąues et religieux, la surveillance generalisee, les totalitarismes sont les motifs de l'oeuvre. Mais la figuration du mai n’est pas le mal.(...) Les commentaires ne sont pas dupes de la confusion entre la realite representee et la naturę de la representation72 ».
Entrer dans la DDC, c'est donc se plonger au coeur d'une realite que Fon ne connait habituellement que par lointaines et abstraites images televisuelles. Bień sur, on n'y court pas les memes dangers que dans les quartiers sunnites de Bagdad. Mais « pour les signataires de la petition, la DDC ne dit pas quelque chose sur le monde, elle dit le monde 73». Et ce monde s'exprime tout en violence, en rouge et noir, debris d'explosion, bunkers guerriers, corps sur le sol.
La DDC n'explique pas le monde. Les propheties de Thierry Ehrmann ne donnent pas une lecture analytique des evenements a venir. Cette masse de propheties est toute entiere le monde a venir. Peu importe qu'elles soient vraies ou fausses. Elles sont toujours probables, ou du moins possibles. Elles nous familiarisent, comme le fait la DDC avec le monde dłaujourdrhui, avec le monde de lfavenir proche. Cest pour la meme raison qu'elles portent en elles une vaste charge de violence.
Cependant, avec les propheties, 1'usage des mots par rapport aux images ou a la realite avec laquelle la DDC nous confronte directement ne permet pas ,de la meme maniere , une plongee au coeur de la violence. La familiarisation avec le monde brutal se fait tout autrement.
Les propheties nous rapprochcnt de Ja violence du monde tout d'abord parce qu'elles sont probables. Leur ancrage joumalistique tout autant que leur precision geographique, le qui-quand-quoi-ou de 1'article de presse nous les rend deja familieres, accessibles. Si l'evenement decrit par la prophetie ne se produit pas, il aurait quand meme pu se produire. En lisant ces propheties, on se re-eveille au contact d’un monde que Fon sait d'emblee en plein mouvement. On recupere un lien sensible, quasiment un licol qui nous indique que le cheval renacle ou s'emballe. On prend conscience de maniere aigue que le monde est en pleine ebullition. Cette confrontation a ce mouvement, incontrólable -puisque tant de choses sont possibles, on ne sait dans quel sens se dirige le cheval-est une premiere formę de confrontation a la violence du monde: c'est la violence de Finsecurite, de Fimprevisible, de Fincertain. Cest egalement la violence morale que nous procurent la conscience de notre propre finitude et de notre peu de poids individuel dans le monde.
La deuxieme violence que nous font subir ces propheties vient de leur masse. Ce monstrueux paquet de 600 evenements lapidaires ne se decoupe pas a la lecture. On ne choisit pas son monde de 2009 a la carte. Cest un menu complet, gargantuesque,une « grandę bouffe » que le monde aura du mai a
72 Philippe Liotard, f/onte a \sous, L.e musće 1'Organe, 2008, p. 15.
73 Ibid, p. 15