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Notes critiąues
Curieusement, la reflexion de Volney sur Finutilite de Fhistoire a Fecole primaire ne provoque ni critiąues ni protestation de la part des eleves (cf. le dćbat qui suit la 3e leęon, pp. 84-90). S’il reprouve Fenseignement de Fhistoire dans les ecoles primaires, Volney 1’ad-met dans les ćcoles centrales. Ses souvenirs de collegien (p. 82, p. 92) mais aussi son aversion profonde pour le jacobinisme (pp. 93-94) le conduisent cependant a s’interroger sur la prćtendue valeur forma-trice de Fhistoire. Ici encore, et Rousseau n’est pas tres loin, Volney est en rupture complete avec la tradition qui veut que Fhistoire constitue une suitę de tableaux et d’enseignements moraux utiles a la jeunesse. Pour Volney, le recit historique n’est pas une varićtć du rćcit morał. II « offre presqu’etemellement des sc&nes de folie, de vice et de crime, et par consequent des modeles et des encourage-ments aux ecarts les plus monstrueux » (p. 94).
Enfin, dćpassant ce constat nćgatif, Volney esquisse a grands traits (pp. 94-96), la dćmarche qu’il adopterait s’il devait mettre en oeuvre un cours d’histoire a Fusage de la jeunesse. II se propose de partir du connu qui seul permet de verifier la veracite des faits pour aller ensuite vers Finconnu et travailler par comparaisons. Utilisant la metaphore du voyage, il ćcrit: « mes eleves en histoire ne se jetteront point d’abord dans la nuit de Fantiquit6 [...] pour, de la, tomber sans savoir comment dans des ages contigus au nótre qui n’ont aucune res-semblance avec les premiers. II faut [...] imitant les navigateurs pru-dents, partir d’abord de chez nous ; et n’avancer qu’a mesure que le pays nous devient connu ». Cette demarche regressive s’appliquera d’abord a « Fhistoire du pays ou Fon est ne, ou Fon doit vivre et Fon peut acquerir la preuve materielle des faits et voir les objets de com-paraison » (p. 94). En ecrivant cela, Volney n’entend pas plaider, comme Font fait pendant la seconde moitie du XVIIIe siecle de nom-breux reformateurs, pour imposer prioritairement Fhistoire nationale dans les programmes. Pour lui, peu importe que le professeur com-mence par Fhistoire de son pays ou par celle d’un pays etranger. « Je ne pretendrais pas blamer une methode qui commence par un pays etranger; car cet aspect d’un ordre de choses, de coutumes, de mceurs qui ne sont pas les nótres, a un effet puissant pour rompre le cours de nos prejuges, et pour nous faire voir nous-memes sous un jour nou-veau qui produit en nous le desinteressement et F impartialite : Funique condition que je tienne pour indispensable, est que ce soit une histoire de temps et de pays bien connus, et possibles a vćrifier » (p. 95). Volney se montre donc avant tout soucieux d’inscrire 1’ensei-gnement de Fhistoire dans un cadre methodołogique sur, ou Fobser-vation et Fanalyse prennent le pas sur Faccumulation des faits (p. 96). Ici s’arretent les reflexions de Volney sur Fhistoire enseignee. Surprenantes par leur modemite, elles mćritent d’etre relues a la