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Annuairc dc la Commission du droit International, 1975, voI. U
des comportements illicites d’organes du mouvement insurrectionnel ne reconnalt pas et n’cntend pas recon-naitre cc mouvcment, avec leąuel il n’entretient pas de rapports, la presentation d’une rćclamation et la misę en cause d’une responsabilitć peuvent prćscnter des difficultćs supplćmcntaires.
9) Bień quTil n’cn soit pas toujours ainsi — et la pratiąue internationale connait des exemples ou les rćclamations ont etć prescntćes au cours dc la lutte211 —, il arrive souvcnt quc, pour les raisons mcntionnćcs, les Etats victimcs dc comportements illicites de la part d’organcs de mouvcments insurrectionncls estiment utile d’attendrc, pour avancer leurs rćclamations, que la situation se soit clarifiće. Ainsi, frćquemmcnt, les rćclamations sont adressees a 1'issue de la lutte soit au gouvernement legi-time de PEtat, au cas ou celui-ci aurait eu raison de Pinsurrection et aurait retabli son autoritć sur tout lc territoire, soit au nouveau gouvernement qui aurait rem-place lc gouvernemcnt antćrieur a la suitę de la victoire de Pinsurrection, ou encorc au gouvcrnement du nouvel Etat qui sc serait formć par sćcession d’une partie du territoire de PEtat prćexistant ou par decolonisation d’un ancien territoire dćpendant dudit Etat.
10) Ces situations, ccpcndant, diffćrent nettement les unes des autres, et lc fondement des rćclamations prć-scntćes n’est pas le meme pour toutes. Ccrtaines de ces situations relevent de Particie 15 et restent en dehors du domaine du prćsent article. Celui-ci, comme il a deja etć indique, n’est consacre qu’& Pexamen du probleme de Pattribution ou de la non-attribution a PEtat, comme source eventuelle d’une responsabilite internationale, des comportements adoptes par des organes d’un mouvement insurrectionnel ćtabli sur son territoire, ou sur un territoire soumis a son administration, dans les cas ou ce mouvement existerait toujours comme tcl au moment dc la presentation dc la rćclamation, ou bicn aurait alors cesse d’exister mais en ayant entrainć dans sa chute sa propre structure et son organisation.
11) La portee du prćsent article ćtant ainsi delimitće, trois questions seulement se posent a propos dc sa formulation. La premiere revient a se demander s’il est ou non pos-sible d’attribuer a PEtat, comme source de responsa-bilitć, des faits d’organes d’un mouvement insurrectionnel ćtabli sur son territoire ou sur un autre territoire soumis a son administration. La deuxieme question (qui suppose qu’on ait repondu negativement k la premiere) consistc k determiner s’il est neanmoins possiblc a PEtat d’encourir une responsabilite internationale du fait du comportement adopte par ses propres organes en rapport avec des agissements d’organes du mouvement insurrectionnel, et cela soit avant soit aprćs la fin de la lutte contrę ce mouvement et le retablissement eventucl de Pautoritć de PEtat sur la totalitć du territoire. La troisieme question est de savoir s’il convient d’insćrer dans Particie une elause de sauvegarde relative a la possibilitć d’attribucr lc comportement de Porgane du mouvement insurrectionnel au mouvemcnt lui-meme.
,u Voir ci-dcssus par. 28.
12) L’analysc de la jurisprudence arbitrale internationale et de la pratique des Etats confirme que les faits commis par les organes d’un mouvement insurrectionnel, abs-traction faite de Phypothćse ou celui-ci se transformerait en autre chose k la suitę d’une issue de la lutte qui serait pour lui favorable (hypothese envisagec dans Particie 15), ne peuvent pas ćtre attribućs k PEtat territorial. L’attri-bution a PEtat des faits des organes du mouvcment insurrectionnel ne saurait avoir lieu ni tant quc dure la lutte entre ce mouvcmcnt et lc pouvoir constitue, ni, et a plus forte raison, une fois la lutte terminee au profit de PEtat212. Ces conclusions sont ćgalement celles de la grandę majoritć des auteurs qui ont examinć le problćme d’un point de vue doctrinal. Une responsabilitć ne peut etre misę k la charge de PEtat territorial que du fait d’un manquement ćventuellement commis a cette occa-sion par ses propres organes aux obligations de vigilance, de prevention ou de repression qui sont les siennes. Ajoutons qu’il ne saurait y avoir de difference sclon que le prćtendu manquement dc PEtat se serait produit avant la cessation de Pexistence active du mouvement insurrectionnel ou apres, lorsque, par exemple, la paix interne ayant etć retablic, les autorites dc PEtat omet-traient dc punir dc faęon adćquatc les auteurs des faits prćjudiciablcs commis au cours de la lutte. Ce sera meme sur cette base que la responsabilitć de PEtat se trouvera le plus souvent invoqućc, puisquc les cas ou le gouverne-ment « legitime » aurait eu, pendant la lutte, la possibilitć matćrielle de prćvenir ou dc reprimer Paction prejudi-ciable de la personne-organe du mouvement insurrectionnel sont plutót exceptionnels. II est aussi a noter que le fait que la source de la responsabilite de PEtat ne se trouve pas dans Paction de la personne qui, au moment ou clle agissait, ćtait organe du mouvemcnt insurrectionnel, mais dans le comportement adopte par les organes de PEtat en rapport avcc une telle action, n’a pas neces-sairement une influence dćcisivc sur le choix des criteres applicables pour determiner, dans lc cas concret, la me-sure de la rćparation. Rien n’empeche qu’on ćtablisse le montant de la rćparation due k la suitę d’un manquement par PEtat k une obligation de prćvention ou de rćpression en prenant comme critere le dommage matćriellcment cause par Paction de Pindividu ayant agi en tant qu’or-gane du mouvement insurrectionnel. Finalemcnt, une responsabilite internationale propre des mouvements insurrectionnels du fait des agissements de leurs organes est rcconnue aussi bicn dans la pratiquc des Etats quc par la doctrine.
13) Au xixe sićcle dćjśi, de nombrcuses commissions mixtes avaient affirmć k plusieurs reprises — sur la base, d’aillcurs, de clauses exprcsses des traitćs en vertu des-quels on les avait constitućes — lc principe qu’cn regle genćrale un gouvernemcnt n’ćtait pas rcsponsable des prejudices causes k des etrangers par les membres d’une insurrection armće ayant echappe au contróle dudit gouYcrncment. La Commission mixte des rćclamations
,u Cela dit, ricn n’cmpfiche PEtat ayant maitrisć Pinsurrection d’accepter (p. cx. par une convention spćcialc) dc reprendre a son comptc la responsabilite qui incomberait au mouvement insurrectionnel et que PEtat tiers n’aurait pas pu faire valoir contrę cc dernier. Mais le caracterc dćrogatoirc par rapport au droit inter-national gćnćral d’une telle solution est manifcstc.