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Annuaire dc la Comraission du droit intcrnałional, 1975, vol. II
nicr aouse voit confćrer le droit dc rćclamer a A, pour lui-mćmc ou pour scs rcssortissants, le bćnćficc d’un ccrtain traitemcnt, tel quc rcxemption de 1’impót sur le rcvcnu ou Pinapplicabilitć de mcsures Ićgislatives conccraant 1’occupation de locaux k 1’usagc d’habitation, par cxemple. A qucl moment la Grande-Bretagne pcut-elle prćtcndre obtenir dc A le traitemcnt du k B ? Immćdiatcment, ou sculemcnt apres que B est parvenu k faire reconnaitre le droit k benćficicr dc cc traitement a lui confćre par le traitć ? On peut repondre k cette question en se plaęant a deux points de vuc. Selon le premier, la Grande-Bretagne n’est pas fondće k revendiqucr le traitemcnt tant qu’ellc ne peut invoquer k 1’appui de sa demandc le fait que B ou les rcssortissants dc B bćnćficient et jouisseDt efTcctivcmcnt dudit traitemcnt. Selon cette conccption, Fćtendue des droits de la Grande-Bretagne depcnd du degre de vigilance dont B fait preuve ou de 1’importancc quc la matićrc rcv£t pour B; ainsi, ii sc peut qu’aucun ressortissant dc B ne reside sur le territoire de A et n’y pcręoive un rcvcnu imposablc. Selon le sccond point dc vue, la clausc dc la nation la plus favorisće inscrite dans le traitć avcc la Grande-Bretagne confere, automatiqucmcnt et sans restriction, k cet Etat et a ses rcssortissants tous les droits dc meme naturę dont B et ses ressortissants peuvent disposer dćs lors que le traitć s’appliquc, sans quc l’on ait k rccherchcr si B et scs ressortissants jouissent ou ne jouissent pas e(Tectivement de ces droits, c’est-a-dire sans que Fon ait a rechcrchcr si B les a revcndiques ou a nćgligć de les revendiquer ou n’a pas eu Foccasion de les revendiquer. Les juristes qui conseillent le Gouvernement du Royaumc-Uni estiment que le second point de vue est le bon : bicn que la situation varie nćces-sairement en fonction du contenu correctemcnt intcrprćtć de la clause de la nation la plus favorisće qui donnę naissance au droit, [... ] on peut dire que, de maniere generale, [...] le droit porte sur le traitemcnt garanti a la nation la plus favorisćc sans quc l'on ait k rechercher słil est effectivement revendiquć ou appliquć. Le Royaume-Uni a soutenu et rćussi a imposcr cc second point de vue84t.
Selon le meme auteur, le Royaume-Uni a adoptć une position semblable alors qu’il ne se trouvait pas dans la situation d’Etat bćnćficiaire, mais dans celle d’Etat concćdant.
I-a 11 avril 1906, k Foccasion d’un litigc portant sur le droit pour des ćtrangers d’obtenir des brcvets de pilotagc britanniqucs, les juristes a qui Fon avait dcmandć si le droit que pouvaient revendi-quer des ressortissants des pays dont il ćtait question ćtait un droit absolu par lejcu dc la clausc de la nation la plus favorisće ou si ce droit ne pouvait etre invoque qu’a condition que les ressortissants des Etats auxqucls avait ćte accordć le traitement national aient dćjk revendiquć et obtenu le privilege particulicr en question ont dćclarć que la rćponse k cette question «dćpendait neccssairemcnt du contenu correctement interprete de la clausc de la nation la plus favorisćc particulićre a propos de laquclle elle pouvait sc poser; nous estimons ccpendant, de faęon generale, que le droit porte sur le traitement auquel la nation la plus favorisće peut prćtendre, sans que l’on ait k rechercher s’il a ćtć cffcctivcmcnt rcvendiquć. Toutc-fois, le traitement efTectivcment accordć dans la pratique sera tres largement fonction de Fintcrprćtation du traitć duqueJ ii procćde »880.
Un autre auteur montre quc cette opinion n’est pas propre a la seule pratique britannique :
En 1943, Fambassadc amćricaine a Santiago a considćrć que la clause inconditionnclle de la nation la plus favorisćc qui figurait dans Faccord commercial liant les Etats-Unis et le Chili autorisait Fim-portation en franchisc de droits dc bois en grume « correspondant aux types ćnumeres dans les memoires ćchangćs par les Gouveme-
848 McNair, op. cit.t p. 278 et 279. 840 Ibid., p. 279 et 280.
ments pćruvicn et chilicn [prćvoyant le bćnćfice de Fimportation en franchise au Chili pour ces types dc bois en grume importć du Pćrou] et [qu’] il en [ćtait] ainsi sans quc Fon ait a rccherchcr si Fon [avait j importć au Chili, dc quclquc manićre quc cc soit, en provcnance du Pćrou ou de tout autre pays, les types de bois particuliers enumerćs dans les memoires ». On voit donc que la clausc dc la nation la plus favorisće ćtait interprćtće comme accordant les droits qu’un autre pays pouvait legitimcment rcvcndiquer pour ses produits sans que Fon ait k considerer si ledit pays avait effectivement bćnćficić de ces droits pour des produits de ce type Ml.
7) Selon 1’articlc 18, il faut pour quc la clause produisc effet que des avantages soicnt accordćs a 1’Etat tiers. Ces avantages peuvent aussi bicn etre « accordćs » par traitć ou par tout autre type d’accord conclu entre FEtat concćdant et FEtat tiers. IFeffet est-il le meme si les avantages ne sont pas confćres par un traitć, mais par le droit inteme de FEtat concćdant ? Selon McNair :
Cette qucstion est souvcnt rćglće sans la moindre ambiguite par le texte mćme de la clause en question. C’cst ainsi quc Fon rcncontrc frćqucmment une clause ainsi rćdigće :
«Tout ressortissant de chacune des Hautcs Partics contrac-tantes pourra librement acqućrir et dćtenir sur le territoire de 1'autre tous types de biens [...] dont les lois de Fautrc Hautc Partie contractante autorisent l’acquisition et la dćtention par les ressortissants dc tout pays ćtranger. »
En revanche, lorsque le traitć sc borne k prćvoir quc les rcssortissants de A peuvent prćtendre bćneficier de tous droits et privilćges que B peut « confćrer » aux ressortissants de C, on peut ćtre amenć k se demander si la clause vise le fait de confćrer par traitć ou celui de confćrer par tout autre moyen, quel qu’il soit. Pour le Royaumc-Uni, la rćponse k cette question est que la clause vise le fait de confćrer des droits et privilegcs, de quelque manićre que ce soit •**.
8) Selon Nolde, «il est tout k fait indilTćrent que les faveurs accordćes k ce pays tiers quelconque decoulent de la lćgislation interne de Fautre partie contractante ou des conventions que cclle-ci passe avec un pays tiers quelconque653 ». Plus loin, il qualifie cette regle «une regle depuis longtemps ćtablie et absolument incontcstablc 654 ».
9) La rćsolution adoptće en 1936 par FInstitut de droit international est tout aussi explicite :
La clausc dc la nation la plus favorisće confere au bćnćficiaire le rćgimc accordć par Fautre partie contractante aux rcssortissants, marchandises et navires de tout pays tiers en vcrtu de son droit inteme aussi bien quc dc son droit convcntionnel “8.
10) De toute ćvidence, la rćponse k la question dont traitent les precedents paragraphes depend de Finterprć-tation quc reęoit une clause particulićre. Le but de la regle quc Fon proposc est prćcisćmcnt d’aider k rćglcr les cas dans lesquels la clause est rćdigće de telle maniere qu’on s’y rćfćre purement et simplement au traitemcnt de la nation la plus favorisće, sans plus de precision sur son fonctionnement. On semble pouvoir prćsumer dans ces cas que Fintention des parties est de placer le bene-ficiaire dans la meme situation juridique que FEtat tiers. C’est en se fondant sur cette idćc et sur la these dćja
851 Whiteman, op. cit., p. 750.
841 McNair, op. cit.t p. 280.
863 Nolde, loc. cit.t p. 48.
844 Ibid. Voir, dans le meme sens, Sauvignon, op. cit.t p. 22.
868 Annuaire... 1969, vol. II, p. 188, doc. A/CN.4/213, annexe II.