74 Annuaire de la Commission du droit International, 1975, vol. U
ccs notions ont ćtć cmployecs aussi bicn dans la pratique des Etats que dans la jurisprudence internationale 89. La conclusion logique de 1’application dc ces notions est que le comportement d’un organe agissant ćs qualitćs mais en violation des prescriptions du droit interne ne serait pas attribuable a 1’Etat lorsque la violation des prescriptions en question serait «manifeste», ou, a Pinverse, que le comportement serait attribuable k 1’Etat pour autant qu’il n’apparaisse pas manifestement que Porgane ait viole de telles prescriptions.
25) Pour justifier une semblable conclusion, on a fait valoir que si Pincompćtence dc Porgane ćtait manifeste au moment ou Porgane agissait la partie lesee aurait pu et dQ s’en apercevoir et, de ce fait, empechcr que le fait illicite se produise. La situation se rapprocherait de celle qui est prćvue a 1’article 46 de la Convention de Vienne sur le droit des traitćs90, cPaprćs lequel la manifestation de volonte d’un organe dc PEtat exprimant le consente-ment de PEtat a etre lić par un traite ne peut pas etre attribuće a PEtat s’il est manifeste que ce consentemcnt est exprimć en violation des dispositions du droit interne concernant la competence de Porgane. Toutefois, cPapres la Commission, Pcxception ne saurait etre transposće telle quclle du domaine de 1’attribution k PEtat cPune decla-ration de volonte k celui de Pattribution d’un agissement susceptible cPetre la source d’une responsabilitć inter-nationale. Lors de la conclusion d’un traite, la partie qui se rend comptc que Porgane de Pautre partie n’est pas competent pour exprimer le consentement de PEtat peut toujours se proteger en refusant d’accepter que le traite soit conclu dans de telles conditions. Par contrę, dans la plupart des cas du moins, le fait de savoir que Porgane qui adopte un comportement illicite soit dćpasse sa competence soit viole les instructions reęues ne per-mettra pas k la victime de ce comportement d’ćchapper (Suitę de la notę 88.)
ganes ne sont pas « dans le domaine apparent dc leurs fonctions ». Furgler (op. cir., p. 26) affirme la responsabilitć de PF.tat pour les actes de ses organes incompćtents « pour autant qu’ils apparaissent comme des actes d'organes ». Sclon Meron (loc. cit., p. 113) et Qućneudcc (op. cit., p. 120), PEtat rćpond dc la conduitc ultra vires dc son organe si cettc conduite a ete tenue a) dans le cadre apparent de sa competence ou b) en dehors du cadre apparent de sa compć-tcncc mais en se prevalant des moyens dc la fonction, sauf si le sujet lćsć, en consćquencc du manque apparent de compćtcncc de Porgane, pouvait ćviter le dommage. Amerasinghe se rallie k cettc formule (loc. cit., p. 106 et suiv.).
s* Les notes des secrćtaircs d’F.tat Bayard et Adce, respcctivc-ment du 17 aout 1885 et du 14 aoflt 190O(v. ci-dessus par. 6), avaient fait appel a la notion d’apparence. Sur cctte meme base a ćtć rćdigćc la qucstion posćc au point V, n° 2, c, de la dcmande d’informations adressec aux gouvcrnemcnts par le Comite preparatoirc dc la Conference de La Haye, ainsi quc les reponses de certains gouver-nernents (SDN, Ba ses de discussiort... [op. cit], p. 78 et suiv.). Pour ce qui est de la jurisprudence internationale, on peut rappclcr que dans la sentence rendue en PAffairc Caire (v. ci-dessus par. 14) on affirme quc pour pouvoir admettre la responsabilitć de PEtat pour les actes dc ses organes en dehors des limites dc leur compć-tence «il faut qu’ils aient agi au moins apparemment commc des (... 1 organes competents »>.
90 Pour le tcxtc de la convention, voir Documents officiels de la Conference des Nations Unieś sur le droit des traites, Documents de la Conference (publication des Nations Unieś, nurnćro de vente : F.70.Y.5), p. 309.
a ses consćquences prćjudiciables 91. On se trouve alors devant un dilemme. Ou bien on introduit simplement la limitation cxcluant de Pattribution a PEtat les compor-tements adoptes par des organes en situation d’incom-petence « manifeste», et alors on risque de fournir a 1’Etat une ćchappatoire inadmissible dans des cas par-ticulierement graves, ou sa responsabilitć internationale devrait au contraire etre affirmće B2. Ou bien on formule la limitation en question comme Pont propose certains auteurs, d’apres lesquels le comportement de Porgane incompćtent serait exclu de Pattribution a PEtat si Pincompćtence de Porgane ćtait tellement manifeste que la partie lesće devait s’en rendre compte et pouvait, de ce fait, eviter le prejudice93. Mais alors on finit par reduire Papplicabilitć de la limitation a un si petit nombre de cas qu’en fin de compte elle ne ferait qu’afTaiblir inutile-ment la valeur de la regle de base, qu’il est nćcessaire de confirmer de la faęon la plus formelle. En conclusion, la Commission est d’avis que, quel que soit son enoncć, la limitation consistant a exclure de la quali-fication de faits de PEtat les agissements d’organes commis en situation d’incompćtencc «manifeste» n’a pas sa place dans la rćgle dćfinie au prćsent article.
26) Par contrę, pour ce qui est des actions ou omissions que les etres humains ayant le statut d’organes de PEtat peuvent avoir commis en qualitć de simples particuliers, la Commission a estimć qu’elles n’ont rien k voir avec Pappartenance des personnes en question k Pappareil de PEtat, et ne sauraient donc 6tre attribuecs a PEtat d’aprćs le droit intemational. La Commission a dćj& examinć cette question lors de Pćlaboration de Particie 5 du projet. Ainsi qu’elle Pa indique aux paragraphes 8 et 9 du commentaire de cet article, la pratique des Etats, la jurisprudence internationale et la doctrine sont una-nimes k cet ćgard. Les cas que Pon vient d’examiner confirment cette regle. Sans doute est-il vrai qu’il n’est pas toujours aise d’etablir dans un cas concret si la personne a agi en qualitć d’organe ou en tant que parti-culier. Mais les difficultes que Pon peut parfois rencontrer dans Papplication de la regle n’ótent rien a son bicn-fonde94. Cela n’empćche naturellement pas les Etats d’assumer parfois, par voie conventionnelle, une responsabilitć pour de tels agissements : ils Pont fait, par exemple, dans la Convention concernant les lois et cou-tumes de la guerre sur terre (La Haye, 1907), qui, dans son article 3, attribue k PEtat la responsabilitć dc « tous actes commis par les personnes faisant partie de sa forcc
91 Pour ne donner qu’un excmple, il n’aurait ćtć d’aucun secours k M. Youmans ct aux autres ressortissants amćricains tućs a Anguangueo par des soldats mcxicains (v. ci-dessus par. 14) de savoir que ceux-ci agissaient cn violation des instructions qu’on leur avait donnees.
91 Au cas ou, par exemple, un chef d’Etat dćclencherait une guerre d’agrcssion — « manifestement» cn violation des dispositions du droit interne concernant son activite —, il serait absurdc de ne pas considćrer une telle action comme un fait de PEtat, source, commc tcl, de responsabilitć internationale.
93 Voir, notamment, Particie VIII, par. 2, du projet adoptć cn preinićre iccture par la Troisiemc Commission dc la Conference de La Haye de 1930; Part. 12, par. 4, du projet rćvisć de F. V. Garda Amador; les etudes de T. Meron (loc. cit., p. 113) et de J.-P. Quć-ncudcc (op. cit., p. 120).
94 Voir i ce propos le paragraphe 10 du commentaire dc Particie 5.