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Annuaire de la Commission du droit Internationa], 1975, vol. U
L'argument fondć sur cette disposition ne peut a bon droit ćtre invoquć, car une rupture des relations amicales, telle qu’ellc etait cnvisagće en 1829, ne saurait etre assimilee k une rupture des rela-tions diplomatiqucs telle que cclle qui s’cst produite au cours de la deuxieme guerre mondiale. En outre, en 1'espece, le pavillon arbore indiquait quc le navire avait la nationalitć hongroisc, c’est-i-dire d*un pays qui avait adoptć une attitude contraire aux interćts du Royaume en collaborant a l’attaque allemandc contrę la Yougo-slavie, ce que les auteurs des dispositions du Traite de 1829 n’avaicnt ccrtainement pas prćvu. 11 s’ensuit dc ce qui prćcedc quc les proprić-taires du navire font erreur en pensant que le Tribunal ne devrait pas appliquer les decrets pour le motif qu’ils scraient contraircs k des dispositions internationales 4,1.
9) McNair reconnait «un certain bicn-fondć» a la thcsc sclon laąuelle les droits ct privileges obtenus dans le cadre d’un accord tcrritorial et politique ou d*un traitć de paix nc pcuvcnt etre rćclamćs par le biais d’une clause de la nation la plus favorisee. « La raison, pense-t-il, en est sans doute que de telles concessions ne sont pas de naturę commerciale, alors que le domainc habituel de la clause de la nation la plus favorisee est celui des relations d’affaircs et des relations commer-ciales 482 ». McNair cite k cc sujet une consultation donnee par un conseiller juridique de la Couronne en 1851. Dans sa consultation, le conseiller contestait au Portugal et aux sujets portugais le droit « de faire sechcr sur la cótc dc Tcrre-Ncuvc la moruc pechćc sur les banes voisins ». La dcmande ćtait fondćc sur unc clause dc la nation la plus favorisće figurant dans un traite de 1842 entre la Grande-Brctagne et le Portugal et visant a obtenir Poctroi de privileges identiques a ceux qui avaient ćtć accordćs par la Grande-Brctagne k la France et aux Etats-Unis d’Amerique en vcrtu des traitćs de 1783. Ces traitćs faisaient partie d’un accord gćnćral intervenu a la fin d’un conflit armć. Le conseiller de la Couronne declarait :
I.. .J Mon opinion est quc Fon nc pcut Ićgitimemcnt considćrer la clause de 1’article 4 du Traite de 1842 comme s’appliquant a 1’autorisation qu’il [le charge d’affaircs portugais] róclamc au profit des sujets portugais.
J’estime que ces prwilćges ont ćtć concćdćs a la France et aux Etats-Unis d’Amćrique dans le cadre d’un accord territorial ct politique extorque * k la Grande-Bretagne a la fin d’une guerre remportće k ses dćpens par ces deux nations *n.
10) Aucun auteur nc songerait k nier la validitć de la regle ejusdem generis, qui decoule de la naturę meme de la clause dc la nation la plus favorisćc. II est gćnćralement rcconnu qu’une clause confćrant les droits de la nation la plus favorisće pour ccrtaincs matieres ou certaines categories de matieres ne peut s’etendre qu’aux droits conferes dans d’autrcs traitćs (ou actes unilatćraux) en ce qui conceme les memes matieres ou les memes categories de matieres484.
11) Le systeme du traitement de la nation la plus favo-risće a pour effet d’attirer les dispositions d’un traite par
481 Arrfit du 6 mars 1959 dc la Cour suprćme des Pays-Bas (Nederlandse Jurisprudentie 1962, n° 2, p. 18 et 19) [original : nćerlandais].
488 A. D. McNair, op. cit., p. 302.
483 Ibid., p. 303.
484 Voir Annuaire... 1970, vol. II, p. 225, doc. A/CN.4/228 ct Add.l, par. 68.
le biais des dispositions d’un autre. Si ce systeme ne se limitait pas strictemcnt aux cas ou les sujets sur lesqucls portent les deux sćrics dc elauses en qucstion sont sensi-blcmcnt identiqucs, on risqucrait dans bicn des cas d’imposer a PEtat concedant des obligations qułil n’avait jamais envisage de souscrire485. Ainsi, la regle dćrive clairement des principes gćneraux de 1’interprćtation des traitćs. Les Etats ne pcuvcnt etre considerćs comme tenus au-deli des engagements qu’ils ont expressćment souscrits.
12) L’essence dc la regle est quc le bćnćficiaire d’une clause de la nation la plus favorisee ne peut exiger de PEtat concedant des avantages d’un type autre que celui qui est stipulć dans la clause. C’est ainsi que si la clause nc promet le traitement dc la nation la plus favorisćc que pour le poisson, on ne peut rćclamcr un tel traitement en vertu de la meme clause pour la yiande 486. Sauf rćserve expresse en ce sens, PEtat concćdant ne peut echapper a ses obligations en faisant valoir que ses relations avcc le pays tiers sont plus amicales ou « nc sont pas scmblablcs » a ccllcs qu’il entretient avec le bćnćficiaire. C’est seulement la matiere faisant 1’objet de la clause qui doit relever de la meme catćgorie — idem genus — et non pas la relation entre PEtat concćdant et PEtat tiers, d’une part, ct la relation entre PEtat concćdant ct PEtat bćnćficiaire, dc 1’autre. On ne peut davan-tage pretendre que le traite contenant la clause doit appartenir k la meme catćgorie (ejusdem generis) que celle dont relevent les avantages rćclamćs en vcrtu de la clause487. En decider autrement rćduirait considerable-ment la valeur de la clause de la nation la plus favorisćc.
Portee de la clause de la nation la plus favorisee ąuant aux personnes et ąuant aux biens
13) En cc qui concerne la matiere, le droit qu’une clause de la nation la plus favorisće confere a PEtat bćnćficiaire est assujetti k une double limitation : d’unc part par la clause elle-meme, qui concerne toujours unc certaine matiere488, et ensuite par le droit confćrć a PEtat tiers par PEtat concćdant.
14) La situation est analogue, mais pas identique, pour ce qui est des sujets au profit desquels PEtat bćnćficiaire
485 Ibid., p. 225 et 226, par. 72.
484 Sur le problemc des produits « de mćme naturę », voir le pas-sage pertinent des extraits des conclusions du Comite economiąue de la SDN concemant la clause de la nation la plus favorisćc qui figurent en anncxe au premier rapport du Rapporteur spćcial (Annuaire... 1969, vol. II, p. 182, doc. A/CN.4/213, annexe I), ct les articles lcr, 11 et XIII de 1'Accord gćnćral du GATT (Nations Unieś, Recueil des Traitćs, vol. 55, p. 97 a 201, 205 k 209, ct 235 k 239; ibid., vol. 62, p. 83 k 87, ct 91; ibid., vol. 138, p. 337). Des efTorts notables sont en cours pour faciliter Pidentification et la comparaisoo des produits grace a Tetablisscmcnt dccritćres uniformes - - p. ex. Convcntion dc Bruxelles du 15 dćccmbrc 1950 portant creation d’un Conscil de coopćration douanićre (ibid., vol. 157, p. 129), Conycntion du 15 dćcembre 1950 sur la nomenclature pour la classification des marchandiscs dans les tarifs douaniers (ibid., vol. 347, p. 127).
487 Vigncs, loc. cit., p. 282.
4,8 A de tres rares cxccptions prćs, on nc rcncontrc pas aujourd’hui dc clause qui ne soit pas limitćc & un ccrtain domaine de relations, par cxcmplc le commerce, 1’ćtablissement, la navigation maritime. Voir Annuaire... 1973, vol. II, p. 221, doc. A/9010/Rcv.l, chap. IV, sect. B, art. 4, par. 14 ct 15 du commentaire.