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devoir noter « les justes chAtiments exercds contrę ceux qui eussent voulu jouir du succds de leur promesse, sans en accomplir les obligations sacrdes »> (1).
Quelque nombreux que soient les tdmoignagcs de gudrisons dans les chapelles de pdlerinage, il faut convenir ndanmoins qu’A Sainte-Anne non plus qu’A Lourdes, toutes les demandes ne sont exaucdes.
DelAscandalechezquelques-uns: ils ne comprennent pas que sainte Annę ou la Sainte Vierge ait le pouvoir de gudrir et ne gudrisse pas toujours ceux qui riennent A elles. Et ils en prennent orcasion pour nier 1'inter-vention surnaturelle dans les gudrisons qui se pro-duisent.
Raisonncr ainsi, c'est mdconnaitre la. naturę mdme du miracle.
Un de ses caractdrcs esscntiels, c'est d’dtre une faveur. — Les intdressds euxmćmes ne s*y trompent pas. Sans doute ils peuvent ćtre ddsolds quand ils nobtiennent pas ce qu’ils demandent, mais ils ne rdcriminent pas, sachant que la faveur sollicitde ddpcnd uniquement du bon plaisir de Dieu, et que Dieu, qui entend toute * priAre, ne reluse jamais un bienfait que poureri accor-der un meilleur. Aussi dds qu'un ncuveau besoin se fait sentir, on revient A la Sainte avec le mdme empres-sement. On cesse d’avoir recours au mddecin qui ne gudrit pas ; on ne cesse jamais de recourir A sainte Annę, mdme aprds qu'elle a jugd bon de ne pas nous exaucer.
(1) P. Hughes et P. Marti*. — Voici dans le minie ordre d‘idćes un fait bien caractdri$tique: Le 7 septembre 1631, la vllle de Dijon fit, A Toccasion de la pesle qui dćsolait la ville, le voeu de cdldbrer la filc de sainte Annę avec la solennitć du jour, y compris la communion et procession, avec obligation pour le prćdicateur de rappeler le yocu et le devoir de le remplir, — • Ne Dominu», ob »ola non reddtla prout prom i na sunt, irritetur, ac ne Deus patiatur prafatos cices in simile petlis periculum, in quo eranl quando dictum colom emt-scrunt, incidere (Gallia Christiana: ł£vdque8 de I.angres, p. 393).
Un autre caractdrc du miracle, c’est d’dtre une excep-tion, et un de ses buts d’attirer, par sa rarete mdme, 1’attention vers la cause transcendante qui le produit. Si Dieu intervenait dansious les cas pour supplćer A 1’insuffisance de la naturę, son intervention ne serait plus regardee comme extraordinaire, et ne le serait pas en efTet; on croirait avoir affaire simplement A une puissance medicalrice de la naturę dcmeuree inconnue jusque-IA.
Ainsi la gućrison, accordde indistinctement k tous, irait k 1’encontre mdme de la fin que Dieu lui assigne dans ce lieu de pdlerinage: attirer des foules pour hono-rer sainte Annę k 1’endroit oA « Dieu veut qu'elle soit particulidrement honorde ». Si le miracle ćtait k jet continu ici, les foules y viendraient toujours, et de plus en plus nombreuses. Mais elles n'y viendraient plus pour glorifier sainte Annę par des ceuvres de sanc* tification personnelle, ou par des actions de grAces, ou par de grandes solennitds liturgiques. Le but unique des voyageurs serait de bdndficier de la vertu infaillible que Ton trouverait dans les eaux de la fontaine (1).
Les carmes recueillirent avec soin les rdcits qu’on lcur apportait de toutes parts, en se faisant un devoir de les contróler minutieusement. Le registre, ouvert dds le commencement, ne tarda pas A se remplir de ddpositions intdressantcs. Mais les faveurs qu’on y con-signait n’avaient pas toutes lc caractdre miraculeux. Aussi l’óvdque, gardien de la foi dans son diocdse et soucieux de 1’honneur du Pdlerinage, exigea-t-il qu'on flt un choix parmi ces innombrables procds-verbaux, et que ces cas privildgids fussent eux-mdmes soumis A une double enqućte, juridique et theoIogique.
(t) Si les eaux de la fontaioe possćdaient une vcrtu curative rdgulidre, elles descendraient au nivcau des eaux thermales, dans 1’opinion de ceux qui y auraient rccours.