358 SAINTE-ANNE DAURAY
Sdbastienne descendit de cheval, ingambe comme si elle n’eót dtd jamais impotente. Mais quand on voulut 1’interroger, il fallut bien reconnaltre que les pAlerins n'avaient dtd qu’A moitie exaucds : les jambes dtaient devenues libres, mais la langue demeurait paralysde.
La familie Dubot ne fut pas ingrate : elle remercia sainte Annę de la faveur oblenue, sans lui lenir rigueur de In faveur refusde.
II sembla mime que l’dpreuve continuait A ddvelop-per la pidtd de Sdbastienne : elle se confessait frdquem-ment, elle etait dans la paroisse le modAlc des jeunes filles, toujours rdsignde, toujours contente. foujours pieuse, sympathique A tout le monde, trAs aimde sur-tout dans sa propre familie.
Ndanmoins A mesttre qu'e)le avanęait en Age, les dpreuves se multipliaient pour elle : sa mdre mourut, puis, quelques temps aprAs, son pAre. Devenue orphe-line, elle demeura chez son frAre Guillaume.
Cependant, disait-on, les miracles continuaient A. Sainte-Anne d’Auray, de plus en plus frćquents et de plus en plus ćtonnants. Aussi 1 idee lui vint un beau jour, de retourner A la chapellc bdnie qu’elle n’avait pas visitće depuis dix-huit anstsi elle demandait une seconde gudrison A sainte Annę, peut-Atre serait-elle exaucde, comme elle l'avait etd ddjA une premiAre fois.
Son frAre Guillaume laccompagna, ainsi que plu-sieurs personnes de Josselin. Et cette fois Sdbastienne voulut faire la route A pied, car la gudrison de ses jambes paralysdes avait dtd aussi radicale qu'instan-tande.
La caravane josselinaise arriva A Sainte-Anne d'Au-ray le snmedi de la Pentecóte : il dtait 4 heures de 1’aprAs-midi; le village et la chapclle dtaient ddjA rem-plis de pAlerins ; et ce ne fut pas sans peine que le frAre et la soeur rdussirent A pdndtrer dans la chapelle.
La fdte de la Pentecóte rappclle aux chretiens le miracle oA le Saint-Esprit descendit sur les apótres et leur donno le don des langues.
Mais Sdbastienne ne pensait gudre a la coincidence de la fdte avec la faveur qu'elle venait demander. Elle savait seulement que sainte Annę pouvait lui rendre 1’usage de la parole. Et, se souvenant d’avoir dtd exau-ede une premidre fois, elle priait avec dautant plus de confiance, prosternde d deux genoux, indifTdrente au va-et-vient de la foule qui circulait autour d’elle, et lui ddrobait la vue de la Statuę miraculeuse.
Son frdre priait lui-mdme aveę une dgale ferveur.
— Ou donc est l’autel et 1'Image de sainte Annę ? murmura-t-elle lout ó coup d 1’oreille de son frdre.
Guillaume tressaillit. 11 regarde sa soeur : cest bien elle qui lui parle.
U dclate en sanglots, d’dmotion et de joie, et se re-dressant sur le coup, il conduit sa steurd travers la foule jusqud la grille qui protdge 1'autel de la Statuę, od la miraculde, absorbde dans sa pridre, se met d ar-ticuler distinctement les formules de ses invocations...
Cependant la nouvellc du miracle circule parmi les pdlerins; on entoure la jeune filie, on 1’interroge; cha-cun veut entendre la muette parler, et tenir de ses ldvres le rdcit du miracle.
— Y a-t-il longtemps, lui demandait-on, que vous avietf perdu 1'usage de la parole ?
— Dix-huit ans ! rdpondit-elle. Cest si^loin que je ne me rappelle plus d’avoir jamais parld.
— Est-ce que vous comptiez dtre gudri, pour la seconde fois?
— Oui, en entrant dans la chapelle, j'ai senti une confiance si extraordinaire que j’ai pensd tout de suitę que je serais certainement gudrie (1).
Le Fr. Bkhnahdin, le cdldbre mathdmaticien de Tlns-
(t) Ce miracle est de 1646. II cut comme tdrooins plus de 500 per-sonnes. Une enqućte eut lieu A son sujet par les soins du Sdnd-chal de Josselin, assistd d’un notaire et d‘un prdtre.
Kt 20 ans plus tard, le P. Kernatou*, aprds arolr racontd ce miracle, ajoutait : Sdbastienne Dubot est encore plcine de vio ; elle parle et raarche sans difficultd. »