146 Annuaire de la Commission du droit International, 1975, ?ol. U
Article 14. — Non-pertinence des restrictions convenues entre VEtat concedant et l'Etat tiers
L’Etat beneficiaire a droit au traitement conferć par 1’Etat concedant a un Etat tiers indćpendammcnt du fait que ce traitement est conferć en vertu d’un accord limitant son application aux relations entre 1’Etat concedant et 1’Etat tiers.
Commentaire
1) Cette regle decoule tout naturellement de la regle genćralc en matiere d’Etats tiers qui fait Pobjet des articles 34 et 35 de la Convention de Vienne, ainsi que de la naturę mcme de la clause de la nation la plus favorisee. II parait cepcndant nćccssairc dc 1’ćnoncer, car il existe un certain nombre d’accords, ayant plus ou moins directement pour but de creer la situation visće dans 1’article, quels que soient les doutes que l’on puisse avoir quant aux elfets de ces arrangcments sur lc droit des Etats tiers benćficiaires de la clause de la nation la plus favorisee. Les arrangements en question peuvent, soit prcndrc la formę de dispositions conventionnelles (« clauses rescrvees»), soit etre implicitement contenus dans certains traitćs multilatćraux.
2) La regle proposćc dans Particie 14 s’applique a toutes les clauses de la nation la plus favorisće, qu’elles soient de caractćre inconditionnel ou qu*il s’agisse de clauses conditionnelles sous reserve d’avantages rćciproques. Elle est exprimee de la faęon suivante au paragraphe 2 de la resolution adoptec par PInstitut de droit international a sa quarantieme session, en 1936 :
Ce regime d’ćgalitć inconditionncllc [rćsultant dc 1’application d‘unc clause inconditionnellc dc la nation la plus favorisće]nesaurait ćtre aflcctć par les dispositions contraircs [... ] des convcntions fixant les rapports avec les Etats tiers40a.
3) Un debat a eu lieu au Comite economique de la SDN sur la question, posee a Porigine lors de la Confć-rence diplomatique rćunic a Geneve pour ćtablir une convention internationale sur Pabolition des prohibitions et restrictions k Pimportation et a l’exportation, de savoir si des Etats non partics k cette convention pour-raient, en se prćvalant d’accords bilateraux fondćs sur la clause de la nation la plus favorisće, rćclamer le benćfice des avantages que sc concćderaient rćciproque-ment les signataires de la convention internationale. A la Confćrencc,
on nc tarda pas & sc rendre compte quc la reponse a cette qucstion ne pouvait fitre donnćc par la convcntion, qui ne saurait porter novation au contenu des accords bilatćraux reposant sur la clause dc la nation la plus favorisćc.
Au Comitć ćconomique, il fut propose de prćvoir dans la convention une disposition visant k limiter les stipulations de la convention aux parties contractantes504.
4) II cxistc de nombreuses conventions qui contiennent des clauses par lesquelles les parties manifestent leur
403 Annuaire... 1969, vol. II, p. 188, doc. A/CN.4/213, anncxc II. 494 Ibid., p. 187, doc. A/CN.4/213, annexe I, sous le titre « Relations entre les accords bilatćraux basćs sur la clause de ia nation la plus favorisee et les convcntions economiques plurilatćralcs ».
intention de limiter certains avantages aux relations etablies entre elles. Le premier paragraphe de 1’articlc 6 de la Convention internationale pour 1’unification dc certaines regles concernant les immunitćs des navires d’Etat, signće k Bruxelles le 10 avril 1926sos, est conęu comme suit :
Les dispositions de la presente convention seront appliqućcs dans chaque Etat contractant sous la reserve de ne pas en faire bćnćficicr les Etats non contractants et leurs ressortissants, ou d’cn subor-donner Papplication a la condition de reciprocitć.
D. Vignes a fait la remarque suivantc a 1’ćgard de cette disposition :
Une telle stipulation prćscntc Pinconvenicnt de ne pas dćlier les Etats contractants des obligations rćsultant pour cux de clauses anterieures, d’etrc k 1’egard des partenaires de ccllcs-ci res inter alios acta, et donc dc mettre ces auteurs en situation potcntielle de violation de la clause50B.
La refćrence au principe de rćciprocite que contient cette disposition n’en efiace pas la faiblesse fondamentale, car on nc saurait transformer des obligations incondition-nelles en obligations conditionnelles sans le consentement de leurs bćnćficiaires.
5) La memc regle figurę, sous une version quelque peu attćnuće, dans la Convention internationale pour l’uni-fication de certaines regles relatives aux privilegcs et hypothequcs maritimes, ćgalement signće a Bruxelles le 10 avril 1926607. L’article 14 dc cette convention est ainsi rćdigć :
Les dispositions dc la prćsente convention seront appliqućcs dans chaque Etat contractant lorsque le navirc greve est ressortissant d’un Etat contractant, ainsi quc dans les autres cas prćvus par les lois nationalcs.
Toutcfois, le principe formule dans Palinea prćcćdent ne porte pas atteinte au droit des Etats contractants dc nc pas appliqucr les dispositions de la presente convention en faveur des ressortissants d’un Etat non contractant.
6) Le paragraphe 4 de Particie 98 de la Charte de La IIavane, du 24 mars 1948, redigće en vue de creer 1’OIC (Organisation internationale du commerce), est libelle dc la faęon suivante :
aucunc disposition dc la prćscntc Charte ne sera intcrprćtće comme obligeant un Etat membrc a accordcr aux Etats non membres un traitement aussi favorable que celui qu’il accorde aux Etats membres aux termes de la Charte. Lc fait dc ne pas accordcr un tcl traitement nc sera pas considćrć comme contrairc k la lettre ou k Pcsprit dc la Charte40*.
Bień que cette disposition ne soit pas une «clause rćservee», elle a ete sćverement critiqućc en 1948 dćja. Le representant dc PUnion sovietique, M. Aroutiounian, avait declare au Conseil ćconomiquc et social :
unc telle disposition ćquivaut k autoriser les membres a dćroger au principe du traitement de la nation la plus favorisće dans leurs
404 SDN, Recueit des Traitćs, vol. CLXXV1, p. 199.
404 Vignes, loc. cit., p. 291.
407 SDN, Recueil des Traites, vol. CXX, p. 209.
404 Voir Confirence des Nations Unieś sur le commerce et Vemploi (I.a Havane, Cuba, novernbre 1947-mars 1948), Acte finał et docu-ments connexes (publication des Nations Unieś, numćro dc vcntc : 1948.II.D.4), p. 51.