1C> Christina Koulouri 2
A 1’ecole, les manuels scolaires constituent des temoins privilegies si l'on pretend suivre les metamorphoses correspondantes de la conscience nationale tandis qu'ils exercent a la fois un pouvoir formateur sur les nouvel-les generations de citoyens. Pour la periode examinee il est cependant plus prudent de se contenter de signaler ce pouvoir au lieu d'essayer a le mesurer. En m’appuyant justement sur cette categorie de sources, notamment les manuels scolaires destines a 1’enseignement de 1’histoire, de la geographie et de la lecture, je voudrais presenW brievement les conclusions d'une recher-che qui datę deja de plusieurs annees 3 mais dont 1'elaboration comparative pourrait servir actuellement a la comprehension desimagesde l'« autre » pro-duites chez les peuples balkaniques. II est egalement important de noter en preambule que le systeme d'enseignement grec pendant la periode etudiee est marque par deux caracteristiques que nous devons prendre en compte quand nous examinons le contenu des manuels scolaires: en premier lieu le caractere public et gratuit de 1'enseignement a tous les degres et en second lieu la volonte manifeste et constante du pouvoir central de contróler la production et la diffusion des manuels scolaires 4.
En 1891 le Franęais Rene Miller, en redigeant ses Souvenirs des Balkans, ecrivait que cette region souffrait de morbus ethnographicus 5. En effet cette epidemie dangereuse connut une large diffusion au toumant du XiX° siścle. Un de ses symptómes les plus apparents est 1’auto-definition nationale nourrie par la rivalite et l'opposition, souvent par la franche inimitię, envers les * autres ». Iividemment le fait de construire une identite collective parrapport aux « autres » est assez commun et ne nous interesse pas en tant que tel. II est cependant important d'analyser le processus concret de selection qui finit par donner a la definition de chaque nation ses traits particuliers. En ce qui conceme le cas grec et pour mieux comprendre l'image des autres peuples balkaniques dans les manuels scolaires apres 1870, il vaudrait faire ici queł-ques remarques introductives:
1. L’histoire scolaire suit un lent processus d’« hellenisation » aspirant i prouver la continuite de la nation grecque au long des siecles, une continuite qui doit etre cependant « active * en non plus «passive»6. Cette hellenisation — non accomplie avant 1880 — depend de 1'intć-gration dans le passe national de periodes historiques qui traditionnelle-ment restaient en dehors de 1’histoire nationale voire 1'ancienne Macć-doine et Byzance.
s V. Christina Koulouri, Dimctisions ideologtęues de VhisłoticiU en Grece (1834—1914). I*cs manuels scolaires d^iisłoire et de góographie, Studien zur Geschichte Slidosteuropas, 7, Franc-fort-Berne-Paris-New York, Peter Lang, 1991.
4 V. i ce sujet, Christina Koulouri — Lina Yenturas, i Les manuels scolaires dans 1*6-tat grec, 1834— 1937 », Histoire de VEduCaHon 58, mai 1993, pp. 9—26.
Renć Miller, Souvcnirs des Balkans, Paris 1891, p. 127. La citation in C* Th. Dimaras,
» » • S i
K(ovGtavuvoę Ilanapprjyonootoę. H enoxn roo — rj far/ rov — to epyo roo (Constantin Papar-rigopoulos. Son ćpoąue, sa vie, son ceuvre), Athfcnes 1986, pp. 335, 475.
8 Selon la conception de la continuitć « passive les Grecs ayaient conservć en lćthar-gie leur caractere national, asservis sous des tyrans successifs depuis la conąu^te romaine (146 av. J.-C.) ou rhógćmonie de Macćdonie (338 av. J.-C.) et jusqu’& la R6volution Grecąue. (1821) Selon la conception de la continuitć * active », les póriodes dites de servitude sont trans-formóes en pćriodes de souverainetó et la nation grecąue se niontre le protagoniste de la sc£ne liistoriąue de Tantiąuitć au temps prćsent*-